Matières et denrées en transit sur la Loire
aux XVIIe et XVIIIe siècles
Y.Gasztowtt 05/2007
La Loire n’est pas une rivière comme les autres. Elle coupe la France en son milieu sur 1 000 km. Elle dessert ses nombreux affluents en partie navigables. On peut la remonter car elle est droit dans l’axe des vents dominants et non pleine de méandres comme la Seine qui contraint au recours constant au halage. Elle communique, par l’Atlantique avec les ports de la Rochelle et Bordeaux, le Portugal et l’Espagne, avec Vannes, Lorient, Brest, Le Havre, les ports anglais, néerlandais et de la mer Baltique puis à partir du XVIe siècle, avec l’Afrique, les Amériques et notamment le Canada, Terre-Neuve et les Antilles.
Traditionnellement, Nantes est le port de transbordement des marchandises entre la flotte de la Loire qui peut naviguer dans l’estuaire et la flotte de mer qui ne peut franchir le pont de Pirmil.
Sur la Loire, le fret pondéreux est surtout constitué de pierres, de bois, de blés, de vins, du sel et du charbon à partir du XVIIIe siècle. Les calcaires de Touraine et du Saumurois servent aux parements des châteaux, des églises, des immeubles et à fabriquer la chaux. Ce sont aussi les ardoises de Trélazé, les bois de toute région qui, lorsqu’il n’est pas flotté en trains de troncs ou échargeaux, est transporté : bois de marine, de charpente, bois brut pour faire des planches, des chevrons, le bois merrain pour faire les tonneaux, le bois travaillé : chevilles, sabots, et le bois des sapines ou bateaux en sapin, démembrés par les déchireurs qui coupent à l’herminette les chevilles en bois liant planches et emmurages pour les réutiliser.
Les vins de Loire satisfont les marchés anglais et nordiques qui n’en produisent pas. Les canaux de Briare, ouvert en 1642 et d’Orléans, ouvert en 1692, ouvrent le marché populaire parisien en pleine croissance. Désormais, les petits vins sont « les vins pour Paris », alors que les vins de qualité comme le Vouvray sont les « vins pour la mer » qui seuls peuvent supporter, avant d’arriver à Nantes, les droits de la douane d’Ingrandes, maintenue sur l’ancienne frontière bretonne. Ce commerce stimule l’extension des vignobles ligériens, mais aussi leur « avilissement ».
Le sel remonte la Loire depuis Guérande et Bourgneuf-en-Retz. Il est fortement taxé par la gabelle qui multiplie son prix de 6 à 12 hors de la Bretagne qui en est exemptée. Chaque adulte a l’obligation légale d’en acheter environ 3,5 kg par an. Cet impôt est très impopulaire et le faux saunage rapporte aux bateliers comme un faux monnayage.
Circulent aussi sur la Loire les fers du Nivernais et du Berry, la coutellerie de Châtellerault, les ancres de Crosne, le vinaigre d’Orléans, les prunes de Touraine et d’Anjou, les marrons du Périgord, l’eau-de-vie de Charente, les marchandises du midi venues par le Rhône et le canal du Centre qui joint Macon à Digoin : soieries de Lyon, huile d’olive, savons, amandes, épices venus par Marseille et même citrons et oranges d’Italie, les poissons frais des étangs de Sologne, du Nivernais, du Bourbonnais en bascules ou bateaux-viviers. Les poissons de mer, le hareng salé et fumé, la morue séchée et salée de Terre-Neuve vont à l’amont, sens souvent déficitaire, de même qu’au XVIIIe siècle, le sucre des Antilles et les produits coloniaux comme le café et le tabac.
Orléans est la plaque tournante du commerce de redistribution de ville en ville. Tout circule : les bouteilles en verre, le papier, la quincaillerie, les faïences de Blois, Gien et Nevers, l’osier, la laine et le lin, les textiles et les cuirs, les animaux sur pied, les grains et les fourrages et on peut allonger indéfiniment cette liste sans oublier les gens qui voyageaient pour le commerce, l’administration, l’étude.
Toutes ces marchandises ont dû être importées par Saint-Simon, à l’exception à peu près complète des denrées qu’il exportait, produits par les paysans et les pêcheurs : Vin du coteau, surtout le Muscadet à partir de 1635 où il est attesté pour la première fois dans la région, lin, chanvre, osier de la Vallée, bois d’œuvre et de feu, fourrages, grains, peaux, bestiaux, moutons, porcs, volailles, gibiers et poisson.
Sources :
F. Haddad - La Loire-Atlantique (Ed. Bourdesoules)
P. Villiers et A. Senotier : Histoire de la Marine de Loire (Grandvaux, 1997).
F. de Person : Bateliers sur la Loire (Ed. CRD)
R. Dion : Histoire de la vigne et du vin.
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