Les forges de Saint-Simon
Historique des forges de Saint-Simon
Les forges de Saint-Simon ont été créées, en 1890, par Henri Tellier qui naquit au village du Bois-Méchine en 1863. Tout petit déjà, il regardait son père travailler le fer. Les besoins étaient importants à l’époque pour les outils agraires. Puis les méthodes de labour évoluèrent ; les chevaux remplacèrent de plus en plus les bœufs et il fallut donc adapter les outils, le ferrage des chevaux étant indispensable. L’artisanat procurait également beaucoup de travail aux forgerons car tous les outils de taillanderie sortaient des forges locales ; les tonneliers, les sabotiers et les abatteurs de bois constituaient une importante clientèle.
Henri Tellier travailla avec sont père jusqu’à son service militaire. Après deux années de service actif dans les arsenaux, il continua sa profession d’ouvrier forgeron aux arsenaux de Rennes, Laval et Lorient durant cinq ans. Il revint ensuite travailler à la construction navale de Nantes. Après ce périple qui lui permit d’acquérir une bonne connaissance professionnelle, il se maria et créa une forge à Saint-Simon où sa femme possédait quelques biens.
A l’époque, la concurrence était forte car les forges étaient nombreuses. Voyant que le marché était saturé, notre grand-père décida alors de travailler pour la marine tant militaire que civile, et également pour les bateaux de pêche.
En 1926, l’arrivée de l’électricité mécanisa le travail à la forge, les pilons transformaient des blocs d’acier pesant parfois plus de cinquante kilos.
Le fer est un métal très malléable à chaud et très facile à souder en fusion (soudure à chaude portée). Les vieux forgerons connaissaient bien ce mode d’assemblage, mais quand les aciers au carbone remplacèrent le fer, il n’était plus possible d’employer le même procédé car le métal devenait cassant. Tout d’abord, ils ne comprirent pas pourquoi ils n’arrivaient plus à souder. Perdant ainsi leur savoir-faire, ils laissèrent à la jeune génération le soin d’apprendre la soudure à l’arc (soudure à l’électricité). Les forges en furent équipées en 1940.
Pendant la guerre de 1939-1945, comme hélas beaucoup d’entreprises, les forges de Saint-Simon connurent une baisse d’activité et revinrent à l’économie locale en travaillant pour l’agriculture dans la fabrication de charrues et de cages de pressoirs.
A la fin de la guerre, le renouvellement de la flotte française relança l‘activité maritime. La marine marchande se modernisa. Le déchargement des marchandises des cargos s’ effectuant alors à l’aide de grues, la manœuvre des mâts nécessitait de nombreuses poulies. Les frères Etienne et Georges Tellier, successeurs, comprirent qu’il fallait accroître et compléter leur activité. En 1946, l’atelier fut agrandi pour y ajouter un bassin de zingage à chaud, afin de protéger les pièces de la corrosion, et un tour pour usiner les pièces. Ainsi les forges devenant autonomes pouvaient offrir à leur clientèle une prestation complète. La « société Tellier Frères » fut bientôt connue dans tous les ports de France. Des marchés étaient passés avec les arsenaux et les chemins de fer.
Comme de nombreuses professions, le métier de forgeron n’échappa pas à l’évolution sans cesse grandissante de l’après-guerre et, à partir des années 1960, la forge classique ou dite « libre » périclita peu à peu.
Aujourd’hui, de puissantes presses façonnent, en une seule opération, là où il en fallait dix auparavant, le découpage et la soudure nécessitent des modes de fabrication différents. Les aciers au carbone dits « américains », à très haute résistance, ont changé les donnes de la métallurgie. Pour soulever une même charge, il existe, depuis quelques décennies déjà, des chaînes et des crochets de levage (élingues) quatre fois moins lourds et donc beaucoup plus maniables. Puis l’arrivée du plastique a remplacé de nombreuses pièces forgées. Le transport maritime lui aussi a beaucoup évolué, les marchandises étant maintenant acheminées par conteneurs. Les chantiers de constructions navales ont fermé les uns après les autres. Les forges de Saint-Simon, ne pouvant plus vivre de leur activité antérieure, car cela aurait nécessité une grande reconversion et un investissement trop important, cessèrent d’exister en 1976, entraînant le licenciement de vingt-trois personnes
Le travail à la forge.
Le frappeur « à-devant » était l’ouvrier qui frappait avec la masse, face au forgeron devant l’enclume. Il était son compagnon indispensable. Pour donner la cadence de frappe, le forgeron lançait un appel en frappant un coup de marteau sur l’enclume et aussitôt sur la pièce à forger. Le frappeur « à-devant » suivait et devait frapper là où le marteau du forgeron avait donné son coup, ainsi jusqu’à ce que celui-ci donne le signal d’arrêter en frappant de nouveau sur l’enclume. Il fallait avoir un rythme régulier, et c’est le forgeron qui le donnait. Parfois, sur de gros ouvrages, trois frappeurs « à-devant » étaient nécessaires et, pour ne pas trouver les quatre marteaux en même temps (en comptant celui du forgeron) sur la pièce à forger, la vigilance était de rigueur. La masse du frappeur « à-devant » pouvait peser 7 kg et le marteau du forgeron 2,5 kg.
Le saint patron des métalliers est Saint-Eloi qui est fêté le 1er décembre. Tous les ans, il était vénéré à cette occasion et une soirée conviviale, avec les ouvriers, était organisée.
Élaboration d’une pièce.
Pour l’exécution d’une pièce de forge, il fallait :
- examiner le plan,
- évaluer le nombre de chauffes,
- faire le volume de la pièce pour déterminer son poids (7,8 kg x volume), rajouter 10% pour la perte par l’oxydation au feu. Cette oxydation, avec les résidus de combustion du charbon, forment le mâchefer qui, à une époque, entrait dans la composition des parpaings. Si la pièce était usinée, une surépaisseur de 3 à 5 mm, parfois plus suivant son importance, était nécessaire pour prévoir la finition par usinage.
A partir de sa forge, de son charbon, de son marteau et de son enclume, le forgeron était capable de forger tous les outils, mais ce qu’il façonnait en premier, c’était sa paire de tenailles pour ne pas se brûler les mains en prenant les petits bouts de fer dans le feu.
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