La Pierre Percée et son port
(Journée du Patrimoine – 18 septembre 2011 )
Rédaction : Gérard Jousseaume
Le port de plaisance dont nous célébrons aujourd’hui le 20ème anniversaire a eu une longue histoire avant sa création en 1991.
La marine à voile, très importante sur la Loire jusqu’au 19ème siècle, utilisait les lieux du rivage les plus favorables pour faire un port ou pour avoir un abri.
À la Pierre-Percée, il n’y avait pas de port, mais un lieu que l’on appelait la "Gare" à l’emplacement du port actuel, c’était une grande boire qui communiquait avec le fleuve vers l’aval.
À l’abri d’une presqu’île, cette "Gare" avait un énorme avantage, elle était protégée des vents d’ouest, nord-ouest et des courants violents en période de crue. Elle servait d’abri aux nombreux bateaux qui naviguaient sur la Loire : refuge en période de crue et de tempête, lieu de protection contre les glaces lors des grands froids, halte quand les vents d’ouest n’étaient pas favorables pour remonter le fleuve, halte aussi pour les mariniers du secteur allant rendre visite à leurs familles. Le développement du village de la Pierre-Percée, en bordure de rive de cette boire, montre l’importance accordée à cet espace par les mariniers. En 1846, les 2/3 des habitants étaient des familles de mariniers.
Il y avait peu d’activité portuaire, guère d’aménagement de bord de rive, pas de chemins très carrossables pour rejoindre le coteau.
À partir de 1850, le village va évoluer. Pour rejoindre le bourg de la Chapelle Basse-Mer, le chemin existant est transformé en route et la "Levée de la Divatte à Saint-Sébastien" est construite mettant ainsi le village à l’abri des inondations. Simultanément une cale est aménagée et vers 1860 un quai est construit.
Désormais la Pierre-Percée est un port de Loire, avec une activité qui se développe, dans les liaisons avec Nantes et Orléans. C’est la période où la population augmente, des commerces et des artisans s’installent.
Mais l’évolution du transport devient une menace pour la marine de Loire. La mise en service de la ligne ferroviaire entre Nantes et Orléans et la construction du pont de Mauves sonnent le déclin de la navigation fluviale. Vingt-quatre heures suffisent désormais pour relier Orléans par le chemin de fer, au lieu de trois semaines en bateau par vent favorable. À partir de 1880, le port perd progressivement de son importance.
La population diminue. Au début du vingtième siècle il ne reste que trois familles de mariniers qui assurent jusqu’au milieu du siècle le transport des marchandises notamment avec Nantes.
C’est vers 1950 que des péniches appelées "pétroliers" commencent à transporter des carburants de Donges à Bouchemaine, près d’Angers, jusqu’au début des années 1990. Elles font parfois une halte à la Pierre-Percée. L’étiage du fleuve devenant insuffisant cette activité s’arrête ainsi que l’extraction du sable en Loire.
La boire n’étant plus entretenue, elle s’envase et devient un cimetière à bateaux. La construction d’un port de plaisance est alors envisagée. On connaît la suite…
La Pierre-Percée de 1800 à l’an 2000
Lorsqu’on évoque aujourd’hui le village de la Pierre-Percée, il s’agit d’un grand village en bordure de Loire. Cela n’a pas toujours été le cas, comme le montre le plus ancien document que l’on possède : le cadastre napoléonien de 1810.
Ce village se situe en bordure de la boire comme le port aujourd’hui. Il s’étend du village des Levées jusqu’à la place actuelle du village (voir le plan) face à la cale. Il est bordé au sud et à l’ouest, le long de la Loire, par une série de petits villages bien séparés les uns des autres.
Il y a : les Vieilles-Maisons, le Pavillon, les Bois, le Baguenaud, la Lamberdrie, la Grimaudière, la Bonnaudière, la Dégondelle, la Lamière, les Mottes, le Chaussin-Rioux, les Tailles, le Vieux-Courty. On ne trouve pas trace du village de Fort-Boucaud, celui-ci n’apparaît qu’au recensement de 1841. Un certain nombre de villages figurant au cadastre de 1810 ont disparu et le développement des constructions les a reliés entre eux.
Il est difficile aujourd’hui de fixer les limites des uns et des autres et, bien souvent, une personne du Pavillon ou des Bois est désignée comme habitant la Pierre Percée. En arrivant au village par la route de la Chapelle Basse-Mer, le panneau indiquant la Pierre-Percée est posé avant le village du Baguenaud.
Le cadastre nous montre un rivage alternant champs, étiers et boires. Une grande partie de ces boires a été comblée, la place du village actuel correspond à l’une d’elle. La succession des boires et des étiers qui ont été façonnés par les crues de la Loire attestent du passage des eaux du fleuve vers le coteau.
Pour se protéger, les hommes construisaient autrefois des levées en terre entre deux points hauts pour limiter les dégâts d’une crue moyenne. On ne pouvait rien contre les plus importantes qui ravageaient tout.
La construction de la Levée de la Divatte, de 1847 à 1856, mit fin à cette situation.
En l’absence de recensement avant 1800, on estime la population de ces villages à 250 ou 300 personnes. Le premier recensement officiel, en 1836, donne le chiffre de 293 personnes, principalement des mariniers et des cultivateurs. La présence des mariniers s’explique par la "Gare" fluviale qui servait de refuge aux nombreux bateaux naviguant sur la Loire.
Au sud du village, les cultivateurs avaient des terres sableuses et légèrement buttées à l’abri des petites inondations. En 1843, une crue très importante recouvrit toute la Vallée. Le curé Morel raconte, dans le registre de paroisse, la visite en barque qu’il fit pour réconforter les sinistrés de la Vallée. Au village des Mottes, il trouva sur une terre non recouverte, une trentaine de personnes avec leurs troupeaux.
On cultivait du chanvre, du lin, de l’osier et on faisait un peu d’élevage. La Loire toute proche permettait le rouissage du lin et du chanvre.
À partir de 1850, la construction de la Levée de la Divatte va donner un élan considérable au village. Avec la réalisation de la cale puis, plus tard du quai, la Pierre-Percée devient alors un port de Loire.
Vers 1850, le département réalise la route de Montrevault à la Loire qui passe par la Chapelle Basse-Mer, transformant ainsi le chemin existant en route de grande circulation et permettant à l’arrière-pays des Mauges un débouché sur le fleuve, l’autoroute de l’époque.
Un premier projet de pont sur la Loire devait relier la Pierre-Percée à la gare de Mauves. Pour des raisons techniques il débouchera à la Pinsonnière.
La Levée achevée, les riverains l’utilisent pour leurs déplacements de proximité puis elle est classée chemin de grande circulation. Avant 1914, elle devient route nationale.
Avec le développement du port, la population augmente pour atteindre 380 habitants en 1872. Des sabotiers et des tonneliers s’installent, le trafic avec le port attire des commerces : marchands d’osier et de chanvre. Grâce à la protection de la digue des maisons se construisent, des nantais sont attirés par les bords de Loire, des restaurants proposent à "boire et à manger". Buvette et tabac, commerces alimentaires et vente de poissons entourent la place du village. Une bascule publique est installée, on délivre un certificat de pesée aux utilisateurs.
Mais le déclin de la marine à voile entraîne une chute de la population consécutive au départ des mariniers. Ceux-ci déplacent leur activité sur le canal de Nantes à Brest et partent avec leurs familles. En 1901, le village compte 285 habitants puis 205 en 1921.
Durant la première moitié du 20ème siècle, malgré les deux guerres, la population reste stable jusqu’en 1950. Le port continue à assurer des liaisons avec Nantes et un peu vers Angers pour les produits locaux (osier, chanvre, vins), mais la concurrence du chemin de fer et le transport routier ont le dernier mot.
Si le port perd de son activité, l’agriculture se transforme. Entre les deux guerres, les cultures traditionnelles comme le chanvre et le lin ont des difficultés. On commence alors à cultiver les légumes dans certaines exploitations. Après la guerre 39/45, c’est le début du maraîchage et en quelques années les autres cultures disparaissent. En 1959, c’est à la sortie du village vers Nantes qu’est installée la station de pompage en Loire pour l’irrigation de toute la Vallée.
À partir de 1950, le tourisme se développe et les ballades sur les bords de Loire incitent à venir déguster les cuisses de grenouilles et le brochet au beurre blanc chez Gustave. La Pierre-Percée en la Chapelle Basse-Mer devient un site réputé des bords de Loire.
La Pierre-Percée pendant la guerre 39/45.
Après les bombardements sur Nantes en 1943, le village accueille et héberge beaucoup de réfugiés. Des activités y sont transférées, comme celles de la confection du Grand-Bon-Marché de Nantes qui s’installe dans les locaux de Mr Douineau, marchand d’osier (actuellement Rive-Gauche-Décor). Le personnel, "les filles du Grand-Bon-Marché" comme on les appelle, animent le village avec les jeunes gens qui ne sont pas mobilisés.
La Manufacture des tabacs de Nantes utilise, de 1943 à 1950, un local appartenant à Mr Georges Arrouet et situé face au port pour le stockage de son tabac.
Au même endroit ont lieu des cérémonies religieuses pendant la Mission Paroissiale de 1947.
Retour des prisonniers de guerre
À partir du mois d’avril 1945, des prisonniers de guerre revenant au pays débarquent à la gare de Mauves. Le pont ayant été détruit, la liaison se fait par un bac, piloté par Mr Thomas, qui amarre à la cale de la Pierre-Percée. Pour avertir de la présence de prisonniers sur le bac, le pilote hisse un drapeau sur le mât du bateau. Un comité d’accueil accompagne la famille du prisonnier et un vin d’honneur est servi chez Mr et Mme Douineau, "Les Tilleuls", dans un local aménagé pour la circonstance. Pour symboliser l’événement, on dessine sur un mur deux mains se serrant fraternellement.
Le magasin de la Levée, propriété du Syndicat de la Levée de la Divatte, situé face au village des Mottes sert, de 1945 à 1947, d’hébergement aux prisonniers allemands travaillant chez des particuliers.
La Pierre-Percée et son école (1941-1942)
Les enfants de ce secteur ont le choix de l’école. Pour des raisons de facilité surtout pour la distance (le bourg étant à près de 5 kms, on se déplace à vélo et à pieds) un certain nombre préfère aller à l’école de Mauves où de St Julien-de-Concelles (pas de côte à monter). Les autres vont à la Chapelle Basse-Mer. Par tradition la plupart opte pour l’école publique qui, à cette époque, fin des années 30, est peu importante, la majorité des enfants étant de la Pierre-Percée.
Pendant la guerre, en 1941, les allemands occupent les écoles (école communale et écoles privées). La municipalité doit trouver un autre local pour une des deux classes de l’école communale. Comme la majorité des enfants sont du secteur de la Pierre-Percée et des villages voisins, les parents des élèves demandent d’y déplacer une classe de l’école publique et proposent le local du magasin de la Levée de la Divatte. Le directeur, Mr Chaillou, donne son accord. Pour faciliter ce déplacement, les parents déménagent le mobilier et le matériel nécessaire. La municipalité accepte.
Tout fonctionne bien à la grande satisfaction des enfants et des parents. Quand les allemands quittent la Chapelle Basse-Mer en 1942, la classe de l’école se trouve à nouveau disponible. La municipalité demande alors aux parents d’envoyer de nouveau leurs enfants à l’école communale au bourg comme par le passé. Ceux-ci refusent trouvant la formule avantageuse pour les enfants et pour eux. Le conflit dure près de 6 mois, mais le conseil municipal, le 6 décembre 1942, décide, par 10 voix pour, 1 contre et 1 abstention, le retour de la classe à l’école communale. Les parents cèdent mais refusent de ramener le mobilier et le matériel au bourg.
En complément, voir La commune libre de la Pierre-Percée
Et également, concernant l'école L'histoires des écoles à la Chapelle BM
Le bâtiment qui abrita l'école pendant la guerre
Le port
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