I - La création du bourg de la Chapelle Basse-Mer.
Comment s’opérait alors la création d’un bourg ? « Le fait le plus marquant des XIe, XIIe et XIIIe siècles est l’accroissement continu d’une population… L’aspect le plus remarquable de cette croissance démographique est la multiplication de créations de bourgs au cours des XIe et XIIe siècles… Le bourg est presque toujours une agglomération rurale. Il est intimement lié à l’installation de la féodalité. Sitôt le château construit, son possesseur sent la nécessité de faire vivre à ses côtés une communauté paysanne. Le projet est ambitieux. Le châtelain se sent incapable d’y arriver seul. Aussi demande-t-il l’aide de l’Eglise. Le clergé séculier est, la plupart du temps, hostile au projet car il risque de provoquer un bouleversement des structures paroissiales en amenant la création de nouveaux lieux de culte, aussi le châtelain demande t-il l’aide du clergé régulier. Les grandes abbayes du Val de Loire jouent un rôle essentiel. Par l’importance de leur fortune, par leur expérience de la gestion des seigneuries, ces grands établissements religieux sont en mesure de réussir de telles entreprises. Les rares abbayes bretonnes sollicitées échouent, ainsi les moines de Redon à Châteaubriant, ou connaissent de grandes difficultés » (N.-Y. Tonnerre - Le premier Moyen-Age in F-Abbad : La Loire Atlantique des origines à nos jours, p.120).
Nous chercherons donc quel est le seigneur à l’origine de l’initiative de la création du bourg de la Chapelle Basse-Mer et à quels moines il fait appel.
1 - Sur le seigneur, nous avons une réponse indirecte. En effet, pendant tout l’Ancien Régime, les droits sur le cœur du bourg de la Chapelle Basse-mer sont détenus par la châtellenie de l’Epine-Gaudin : « Le possesseur de l’Epine-Gaudin est seigneur supérieur et fondateur des églises, chapelles et presbytères de la Chapelle Basse-Mer et de la Remaudière. A ce titre, il détient les droits honorifiques de banc, d’enfeu, de vitres et d’armoiries dans l’église. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si le presbytère de la Chapelle s’appelle la Gaudine en référence à la famille Gaudin dont un des membres, en 1050, Amaurius, est cité dans le chartrier de Marmoutier (R.S. Anatomie…, p. 199 renvoyant à Dom Lobineau : Histoire de la Bretagne, p. 185). Ces droits de fondation d’une part, et le nom du presbytère qui se maintiendra jusqu’au XVIIIe siècle d’autre part, désignent, sans aucun doute possible, le châtelain de l’Epine-Gaudin comme l’initiateur du bourg de la Chapelle Basse-Mer.
Cette châtellenie remonte à la création de la forteresse, peu après 942, « date de la signature du traité entre le duc de Bretagne Alain Barbetorte et Guillaume Tête d’Etoupes, comte de Poitiers » (R.S. Anatomie…, p. 84).
La création de cette forteresse ducale est le « point de départ d’un nouveau défrichement qui donne naissance à la paroisse de Saint Nicolas, patron des marins, avec son église toute proche du château » (R.S. Anatomie…, p. 84).
Après « transfert du centre cultuel de la Vallée sur les Plateaux, … on cesse de parler de l’ Epine-Gaudin en tant que paroisse » (R.S. Anatomie…, p. 85). Quant à Barbechat, il « sera réduit au rôle de simple desserte (fillette) » (R.S. Anatomie p. 86) peu avant 1520.
2 - Sur les moines défricheurs et créateurs du bourg de la Chapelle Basse-Mer et qui assureront ensuite le service de la cure, la réponse que nous fournissons s’appuie sur une série de raisons.
N.-Y. Tonnerre montre que « si Saint-Jouin-de-Marnes, abbaye poitevine, a fondé les bourgs de Pirmil et Clisson, Saint-Florent-de-Saumur a fondé Moisdon-la-Rivière et Nozay, si Saint-Sauveur-de-Redon a fondé La Roche-Bernard et Pornic, l’abbaye la plus active sur la Loire même est Marmoutier qui a fondé Oudon, le Pellerin et Donges » (in F. Abbad - la Loire-Atlantique. p. 121) et aussi les prieurés de Béré, près de Châteaubriant, Pontchâteau, Nort-sur-Erdre, Sainte-Croix de Nantes, Machecoul et Liré (N.-Y. Tonnerre - Naissance de la Bretagne p. 325)
Le fait décisif est que l’abbaye de Marmoutier (Majus Monasterium : Grand Monastère) est bénéficiaire de la paroisse de la Chapelle Basse-Mer. En 1115 et en 1140, les revenus de la paroisse sont détenus par Marmoutier. C’est le cas entre ces deux dates, et 1140 est la date où il cesse d’en être ainsi car c’est le chapître des chanoines de la cathédrale de Nantes qui devient bénéficiaire.
Pourquoi le revenu de la paroisse, a-t-il été attribué à Marmoutier ? Nous pensons que la réponse est simple : à cause de son rôle : défricher, créer le bourg, y faire venir des habitants, des « hôtes » disait-on alors, et assurer le service religieux de la cure, soit directement, soit en y nommant un curé et en lui restituant la portion congrue.
Il faut, dès lors, en déduire que Marmoutier a le bénéfice de la paroisse, non seulement depuis 1115 mais depuis l’origine du bourg qui remonte entre 982 (date établie ci-après) et 1050, sans qu’on ait plus de précision. « Le seul point de repère certain que nous ayons… est qu’en 1050, La Chapelle, Barbechat et l’Epine-Gaudin existent d’une façon certaine puisque les trois noms sont cités dans le chartrier de Marmoutier » (R.S. Anatomie…, p. 85).
Il s’agit ici, semble-t-il, de paroisses. Mais précisons qu’une paroisse présuppose un bourg et un lieu de culte. C’est Marmoutier qui rédige une chartre qui concerne ces trois paroisses. Cette chartre est la confirmation du rôle et de l’intérêt de cette abbaye car écrire une chartre, c’est enregistrer des droits, et d’abord les siens propres, pour les rendre pérennes.
II - Saint-Pierre-ès-Liens.
Saint-Pierre-ès-Liens était un prieuré tenu par des moines car, dans cette chapelle, des tombes dirigent leurs pieds vers le chœur comme il est de coutume pour les tombes des moines.
Saint-Pierre doit donc être rapproché du toponyme « le Champ-aux-Moines » qui désigne un lieu-dit distant d’environ cinq cent mètres que les moines cultivaient, mais aussi, au sens plein, ont créé et défriché.
Sous l’Ancien régime, n’existent que deux chapelles paroissiales : Saint-Pierre-ès-Liens et Saint-Simon, en bord de Loire. Cette dernière ne date que du XVIe siècle. Si Saint-Pierre-ès-Liens est « de style gothique flamboyant du XVIe siècle, il semblerait qu’elle ait été construite sur les fondations d’une chapelle plus ancienne » (R.S. Anatomie…, p. 161).
Puisqu’il n’existe aucun autre édifice de culte lié aux moines en la Chapelle Basse-Mer, nous devons considérer Saint-Pierre-ès-Liens comme le prieuré des moines de Marmoutier créé lors de la fondation du bourg de la Chapelle Basse-Mer entre 942 et 1050, et même entre 982 et 1050. En effet, ce n’est qu’en 982 que l’abbaye de Marmoutier, dévastée en 853 par les Normands, rétablie en 860 par les chanoines de Saint-Martin de Tours, est reprise par les moines bénédictins de Cluny, sous l’autorité de l’abbé Meyer (Encyclop.univers.com/Abbaye Marmoutier).
Plusieurs arguments supplémentaires étayent l’attribution de Saint-Pierre-ès-Liens aux moines fondateurs du bourg :
1 - L’aménagement de la vallée de la Noue par des défrichements indiqués par les toponymes la Chenardière, le Bois-Chapelet, Beauchêne, la Chênaie, le Chêne, le Coteau-du-Chêne et par des aménagements hydrauliques, des étangs depuis le Praud, la Petite-Noue, l’Etang de la Noue, le Moulin-Neuf. En effet, défrichements et aménagements hydrauliques pour la pisciculture, l’irrigation et la force hydraulique utilisée dans des moulins, foulons ou forges, caractérisent l’activité des moines. On peut même se demander, en voyant la régularité du plan quadrilatère des bâtiments actuels, évidemment reconstruits, du village de « la Petite Noue », s’ils n’ont pas été une ferme ou une grange du prieuré de Saint-Pierre-ès-Liens qui est à 200 mètres environ. Le résultat de ces travaux est un chapelet continu de villages, la Croix-Bertin, Claire-Fontaine, la Guchetaie, qui ont réalisé la capture de la route principale de la Loire depuis le bourg malgré le détour, vers le sud, qu’elle entraîne. La capture de cette voie est un indicateur fort du développement démographique et économique de la vallée de la Noue.
2 - Deux autres toponymes méritent ici évocation : la Dixmerie, lieu où était collectée la dîme, impôt religieux représentant le dixième des récoltes. La Dixmerie se trouve sur le chemin menant du cœur du bourg à Saint-Pierre-ès-Liens. N’oublions pas que le bénéfice de la commune revient à Marmoutier jusqu’en 1140. Le Chapître se trouve aujourd’hui entre la Dixmerie et Saint-Pierre, sur le même chemin. Ce toponyme renvoie au fait qu’après 1140, c’est le Chapître des chanoines de la cathédrale de Nantes qui supplante Marmoutier comme bénéficiaire de la paroisse de la Chapelle Basse-Mer (voir VI, p.8).
3 - Des éléments de décor dans l’église Notre-Dame actuelle, éléments probablement repris de l’ancienne église, sans que l’architecte Eugène Boismen ait nécessairement été conscient du sens précis de ces éléments, ne peuvent s’expliquer que par le rôle des moines aux origines du bourg. Un de ces éléments est la statue de Saint Pierre-ès-Liens, dans l’église à l’extrémité ouest du transept. Elle fait pendant à celle de Saint Jean-Baptiste qui évoque l’église éponyme du Loroux-Bottereau, grande paroisse gallo-romaine, issue d’un vicus, dont celles de la Chapelle Basse-Mer, Barbechat, Saint-Julien-de-Concelles et la Remaudière sont des subdivisions : des paroisses-filles.
Un autre élément est la présence de trois statues de têtes de moines reconnaissables à leur capuchon, sur des colonnes, en façade de l’église, entre la statue de la Vierge et l’horloge.
4 - La dédicace à Saint Pierre. On sait que l’abbaye de Marmoutier est fondée en 372 par Saint Martin alors qu’il est devenu évêque de Tours. Mais, en 853, les Normands la dévastent. En 982, l’abbaye est rétablie par les moines de Cluny et ce sont ces bénédictins clunysiens qui interviennent à Barbechat et la Chapelle Basse-Mer.
D’où vient la dédicace à Saint Pierre ? Elle provient peut-être de Cluny où la seconde abbatiale, dite Cluny II, est dédiée à Saint-Pierre-le-Vieux. Mais la dédicace à Saint Pierre peut avoir deux autres origines : le Loroux-Bottereau et Nantes. En effet, il a existé au Loroux-Bottereau un prieuré, dédié à Saint Pierre martyr, qui était un oratoire du monastère Saint-Laurent. Si ce dernier datait bien de l’époque carolingienne, selon Emile Bonneau (Le Loroux-Bottereau, p. 104), il aurait aussi fallu que ce prieuré Saint-Pierre-Martyr soit plus ancien que les XIIIe ou XIVe siècles auxquels le date Emile Bonneau, pour avoir pu transmettre son nom à Saint-Pierre-ès-Liens. Enfin la dédicace à Saint-Pierre-ès-Liens peut être due aux chanoines de la cathédrale de Nantes dédiée aux apôtres Pierre et Paul pour honorer le premier de leurs saints patrons. Elle serait alors la requalification substituée à une dédicace plus ancienne et inconnue. Le choix entre ces trois possibilités nous semble impossible.
La création du bourg de la Chapelle Basse-Mer
Y.Gasztowtt - 2008 - Association du Patrimoine Chapelain
Pour pouvoir lire les livres inexistants, il suffit de les écrire.
Le présent travail s’appuie sur les récents ouvrages des historiens, notamment :
- « La Chapelle Basse-Mer, Anatomie d’un village vendéen » de Reynald Secher (1983)
- « Le Loroux-Bottereau et son histoire » d’Emile Bonneau (1986)
- « La Bretagne féodale, XIe - XIIIe siècles » de André Chédeville et Noël-Yves Tonnerre (1987)
- « Naissance de la Bretagne, géographie historique et structures sociales de la Bretagne méridionale (Nantais et Vannetais) de la fin du
VIIIe siècle à la fin du XIIe siècle » de Noël-Yves Tonnerre (1994)
La destruction et la perte de nombreux écrits anciens plongent la paroisse de la Chapelle Basse-Mer (qui remplace dès le XIe siècle celle de l’Epine-Gaudin, puis du XVIe siècle au XIXe siècle inclut Barbechat) dans beaucoup d’ombres et d’incertitudes au point qu’elle apparaît peu chez les historiens et même dans les deux derniers ouvrages qui viennent d’être cités.
Ce sont ces ombres que nous voulons dissiper, autant qu’il est raisonnablement possible, en relisant les ouvrages des historiens, en en tirant des conséquences logiques et raisonnées et en les confrontant à des connaissances encore négligées : la toponymie ou science des noms de lieux, la géographie physique, ses cartes, ses cadastres, les voies, les gués, la mise en valeur du sol, les villages et le peuplement, l’architecture et l’archéologie.
Le présent travail se veut donc un travail d’histoire donnant toute sa place à la réflexion et à l’esprit critique.
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La Basse-Loire est habitée depuis l’Antiquité à Rezé, à Nantes, à Mauves, aux Cléons en Goulaine et à Saint-Barthélemy en Saint-Julien de Concelles. Partout les découvertes archéologiques sont abondantes.
A la Chapelle Basse-Mer et à Barbechat, quelques noms de lieux attestent une présence antique : la Strée (la « voie romaine » ou gallo-romaine), Pierre-Percée (chaussée en pierre qui perce ou traverse la Loire), le Pré-Colès (prairie habitée et cultivée ou même, en latin, ce qui précède l’habitat et la culture). Les Celtes eux-mêmes laissent quelques noms comme la Trébertière (une treb est en gaulois un lieu habité) et le tumulus du Perthuis-Chuerin dont la fouille, en 1868 - 1869, par Parenteau, conservateur du musée de Nantes, a livré de la poterie et des ossements datant le tumulus du second âge du fer (R.S. Anatomie…, p. 82) ou de la civilisation celte de la Tène, entre le Ve et le IIe siècle avant J.C.
La brillante civilisation gallo-romaine se défait lentement sous l’influence des envahisseurs successifs venus d’outre-Rhin et peut-être surtout de sa propre logique sous les mérovingiens et les carolingiens, malgré une renaissance sans lendemain sous Charlemagne.
Aux IXe et Xe siècles, les incursions répétées des Normands ruinent complètement la Basse-Loire. Les villes, y compris Nantes, et les monastères sont effacés pour un siècle, les élites fuient sans retour, une partie de la population les accompagne. Les princes carolingiens et bretons laissent leurs peuples sans défense et s’essoufflent dans leurs querelles et batailles intestines sans prendre la mesure du danger normand quand ils ne pactisent pas avec lui. Les populations demeurées sur place sont soumises à des rapines répétées souvent sanglantes et ne peuvent se défendre. Le pays est dévasté. La friche et la forêt reprennent leurs droits.
En 937, quand les Normands sont enfin battus et chassés par le duc Alain Barbetorte, la Basse-Loire est à reconstruire. Les anciens droits de propriété ont été oubliés, personne ne les revendique. En 942, le sud de la Loire, entre Chalonnes et l’Océan, passe du Poitou à la Bretagne. Bien que le Loroux-Bottereau et Mauves aient existé à l’époque gallo-romaine, où ils étaient des « vici », des centres habités prospères, le duc de Bretagne agit comme en pays neuf. Il crée bientôt la forteresse de l’Epine-Gaudin pour surveiller la Loire, axe principal de circulation.
Le commandant ou le gardien de cette forteresse, d’abord nommé par le duc, devient le principal châtelain (en latin : castellanus) du pays et ses successeurs deviennent, au XIe siècle, les premiers seigneurs féodaux dans le mouvement européen général de la mise en place de la féodalité, qui restera au fondement du droit et de l’organisation sociale et politique jusqu’à la Révolution Française. C’est dans ce contexte des Xe et XIe siècles que naissent les bourgs de l’Epine et de la Chapelle Basse-Mer. C’est leur création que nous allons étudier.
III - Le cœur du bourg.
L’intervention des moines bénédictins de Marmoutier dans la création du bourg de la Chapelle Basse-Mer, avant 1050, suppose le choix de ce qui est aujourd’hui le cœur du bourg. Pourquoi cet endroit s’est-il imposé ?
1- L’existence de la « Capella Batsameri » antérieure au bourg. Les moines ont reçu le bénéfice de la « Capella Batsameri » avant qu’elle ne devienne l’église paroissiale, en même temps que des terres (Saint-Pierre, le Chapître, le Champ-aux-Moines, une partie de la vallée de la Noue…). La relique du voile de la Vierge qui justifiait la « Capella » (R.S. Anatomie…, p. 77) attirait les dévots dont les offrandes étaient source de revenus. Le lieu était habité, non seulement à cause de cette « Capella », mais à cause des autres éléments que nous allons examiner.
Le cimetière, voisin de la « Capella », n’a dû apparaître qu’avec le bourg. Sa surface limitée a amené la création du grand cimetière du Calvaire dont on a trace en 1683, le petit cimetière étant réservé aux personnages importants : nobles et ecclésiastiques.
On peut préciser la chronologie relative de la « Capella Batsameri ». Le nom de Batsameri apparaît en 1115 avec cette orthographe (R.S. Anatomie…, p. 79), c’est le patronyme d’un propriétaire du lieu. Mais l’édification de la Capella Batsameri a du précéder, non seulement le bourg et les fortifications qui s’y trouvaient, et que nous avons évoqué, mais aussi la forteresse de l’Epine. Notre démonstration repose sur la succession des déterminants. Le presbytère voisin de la Capella Batsameri reçoit le nom de Gaudine et le conserve jusqu’au XVIIIe siècle. Si la Capella elle-même n’a pas reçu aussi ce déterminant de Gaudine, comme cela paraîtrait logique, c’est parce qu’elle avait déjà reçu celui de Batsameri et qu’il était déjà consacré par l’usage. Or, Gaudin est le nom du châtelain fondateur de la forteresse (voir VII « l’Epine-Gaudin ») qui a pris l’initiative de la création du bourg de la Chapelle Basse-Mer, puis de son érection en paroisse, sans quoi le presbytère n’aurait pas eu lieu d’être.
La Capella Batsameri a donc dû être créée avant la forteresse de l’Epine-Gaudin, entre 679 (où apparaît le terme de Capella pour désigner l’édifice religieux qui, à Compiègne, résidence royale mérovingienne, abritait la relique du manteau - chape, en latin capa - de Saint Martin) et peu après 942 où a été créée la forteresse ducale de l’Epine, sans qu’on puisse malheureusement être plus précis. Les premières mentions de « Capella » ont, de fait, des dates assez variées. Le « Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France », de A. Dauzat et de Ch. Rostaing, en donne exactement deux cent. Voici quelques capellae dont ce dictionnaire fournit les dates :
- la Chapelle-Heulin - Loire-Atlantique - Capella Oelini -1179,
- la Chapelle-Glain - Loire-Atlantique - Capella Glen - 1287,
- la Chapelle-Rousselin - Maine-et-Loire - Capella Roscelini - vers 1050,
- la Chapelle-Antenaise - Mayenne - Capella Altanosa - 980,
- la Chapelle-Viviers - Vienne - Capella Vivarius - 924.
2 - Un site défensif naturel et un ouvrage fortifié. Nous affirmons que le site du cœur du bourg est un site défensif naturel, protégé au nord par le ravin de la Tannerie (ou du Pont-Fresneau) contre la menace militaire traditionnelle venant de la Loire. En effet, si le fleuve est traditionnellement l’axe des échanges économiques et des influences culturelles (par exemple : le christianisme s’est propagé au IVe siècle, de Tours, ville de Saint-Martin, vers Angers et Nantes), il est en même temps l’axe de pénétration militaire de la France centrale depuis l’Atlantique à l’ouest et depuis le Val de Loire et la vallée du Rhône et de la Saône à l’est. Les épisodes historiques qui illustrent ce fait sont les conquêtes romaine (Ier siècle avant JC) puis franque (VIe siècle), les invasions normandes (IXe et Xe siècles), les expéditions angevines, celles des rois de France résidant en Val de Loire.
Le site défensif du cœur du bourg où est l’église actuelle, implique l’installation d’ouvrages défensifs qui se sont succédés et étaient construits chacun selon les habitudes et les moyens de son époque. Au XIe siècle, l’ouvrage défensif, symbolique de la puissance seigneuriale est une motte de terre en bordure de vallée, hérissée d’une palissade et d’une tour centrale en bois. Il est vraisemblable que le seigneur local, probablement le châtelain de l’Epine-Gaudin, attribua cette motte à la garde de l’un de ses « milites castri », un soldat gardien du château, un de ses vassaux qui pouvait en faire sa résidence ou, en tous cas, le signe de son pouvoir, de son « ban », pouvoir de commandement, d’enrôlement et d’exercice des droits seigneuriaux.
Nous n’avons aucune trace écrite de cette fortification qui a pu se mettre en place dès les invasions normandes.
3 - Un site effacé par les reconstructions de l’église et de la cure. Nous n’avons non plus aucun vestige archéologique de cette fortification. Cela s’explique aisément car le site du cœur du bourg a été reconstruit à plusieurs reprises. Les cartes les plus anciennes sont le cadastre de 1810 dressé par Jean-Baptiste Chevalier géomètre-expert, qui deviendra notaire royal et maire de la Chapelle Basse-Mer, et une « carte figurative du presbytère de la Chapelle Basse-Mer » conservée aux archives départementales et que reproduit R.Secher (Anatomie…, p. 102). Ces deux cartes montrent l’ancienne église bâtie à la fin du XVe siècle et le presbytère nommé « la Gaudine » reconstruit en 1676 parce qu’en ruine en 1674 (Anatomie…, p. 102).
A son tour, la construction de la nouvelle église monumentale Notre-Dame, à la fin du XIXe siècle, efface ces derniers monuments. Pour assurer la meilleure visibilité à son œuvre, l’architecte Eugène Boismen, conforté par la Fabrique, a voulu un chevet dominant le ravin de la Tannerie et des portails ouvrant sur un parvis dégagé, obligeant à détruire l’ancien cimetière et à renoncer à l’orientation traditionnelle du chœur de l’église vers l’est.
L’étude de ses églises montre que Boismen est toujours soucieux du choix du site le plus visible. A Marsac-sur-Don, à Couffé, à Corcoué-sur-Logne et à Saint-Similien de Nantes, construit sur la colline du Martray, ses églises dominent des vallées marquées (Y.G. - Le néogothique nantais). Les cryptes des deux sacristies de Notre-Dame ont encore contribué à la disparition de tout vestige antérieur, de même que le puissant mur de soutènement construit alors au nord de l’église.
On peut avancer une hypothèse induite par la forme de la place de l’église qui, depuis 1810, n’a pas subi d’autre modification que la disparition de son côté est, c’est-à-dire les maisons de ce qu’on appelait l’îlot Rabelais (probable déformation du nom du seigneur Rablay) détruit, vers 1980, pour créer un parc de stationnement de voitures.
Cette forme sommairement carrée de la place ne saurait s’expliquer par celle de l’ancienne église. Sur le cadastre de 1810, son orientation s’oppose à la forme de la place et ses murs forment partout des angles de 45° environ avec les côtés de la place. Elle paraît de guingois par rapport à la place.
La forme de la place peut s’expliquer comme la trace d’une fortification disparue constituée de douves entourant une enceinte défensive. Cette enceinte incluait alors l’église qui pouvait être petite et les douves dont les quatre côtés pouvaient ressembler à celles de la Berrière qui est à moins de deux kilomètres du bourg.
En tous cas, les plans décalés de la place et de l’ancienne église qui sautent aux yeux sur le cadastre de 1810, expriment des logiques différentes : la logique religieuse de l’orientation du chevet de l’église vers l’est et la logique géographique du carrefour de voies préexistantes qu’un ouvrage fortifié n’a pu qu’épouser.
4 - Deux gués sur le ruisseau de la Tannerie. En contrebas du cœur du bourg, on a deux gués, sur le ruisseau de la Tannerie. L’un de ces gués est devenu le Pont-Fresneau, au village du même nom. L’autre gué, au Paradis, a été oublié. Son souvenir avait disparu puisqu’avant son récent débroussaillage, la voie qui y conduit était appelée l’impasse du Paradis. Ces gués commandent les chemins menant à la Loire et aux gués de Guette-Loup, près de Saint-Simon, et de la Pierre-Percée, eux-mêmes sur la Loire.
5 - Le carrefour principal d’une voie traversière et d’une voie bordière du ravin de la Tannerie.
Un élément déterminant du site est le carrefour des voies anciennes. Il peut expliquer l’installation de la « capella », probablement antérieure à toute mise en défense du site, c’est-à-dire aux invasions normandes des IXe et Xe siècles. En effet, sur la place de l’église, la voie traversière du ravin provenant de la Loire au nord, c’est-à-dire la rue des Forges, vient couper la voie bordière du ravin de direction générale est-ouest, constituée de la rue du Calvaire et de la rue du Grand-Puits.
Encore aujourd’hui, des services essentiels se trouvent là : boulangerie, cafés, tabac, c’est-à-dire bureau du fisc, ancienne mairie, banque, pharmacie, au XXe siècle : l’étude notariale.
Fortifier un tel carrefour, c’était pouvoir y prélever aisément une taxe seigneuriale sur les transports, et au besoin les contrôler.
Après sortie du bourg ancien, chaque voie principale se dédouble pour former un carrefour structurant : celui des Forges, celui du Grand-Puits et celui du Calvaire, postérieur à 1140, date du départ des moines, car la route du Loroux-Bottereau par l’Etang-de-la-Noue aurait divisé leur domaine, ce qui est invraisemblable.
Le village du Guineau comporte un carrefour, de même structure que celui du cœur du bourg, entre la voie traversière nord-ouest, sud-est qui suit le ruisseau de la Noue et la voie bordière de la Loire de direction nord-sud qui joint l’Epine à Saint-Barthélemy puis au Loroux-Bottereau.
Plans du bourg de la Chapelle Basse-Mer en 1826. Ancienne église, et îlot Rabelais n'existent plus aujourd'hui
IV - Barbechat et Sainte-Radegonde.
1 - Les indications de Reynald Secher.
« La tradition populaire veut que Barbechat soit le bourg le plus ancien de la paroisse » (Reynald Secher, Anatomie…, p.81) de la Chapelle Basse-Mer, unifiée depuis au moins 1520 (idem, p. 86) et « à l’origine du défrichement de la partie ouest de ce qui deviendra la paroisse de la Chapelle » (idem, p.83).
Il est à noter que cette opération s’effectue à partir de la rive de la Divate et non de la Loire » (R.Secher - Anatomie…, p.83). En particulier la Monderie qui signifie lieu défriché, émondé, serait « le point de départ du défrichement » attribué aux moines qui détenaient la cure de Barbechat.
« Cette ancienneté est attestée par deux missels… attribués aux moines…, le premier date du XIIe-XIIIe siècles le second du XVe siècle » (idem, p. 84).
Précisons que le bourg de Barbechat est établi à l’ancien village du Bois-Guillet (du nom du seigneur local Julianus Guillet) et reçoit parfois encore ce nom qui atteste un lieu boisé puis défriché.
« L’extension du défrichement paraît être d’origine religieuse » (idem, p.86), autrement dit réalisée par des moines. Ceux-ci sont établis « au prieuré de Sainte-Radegonde au Perthuis-Churin » et la paroisse de Barbechat a « un recteur [un curé] nommé par le prieur du monastère de Marmoutier » (idem, p.86).
A partir de ces données, l’origine de Barbechat semble, à première vue, comparable à celle de la Chapelle Basse-Mer. Ce droit de nomination du curé par le prieur de Marmoutier semble la conséquence de la fondation du bourg de Barbechat par cette abbaye, à partir de son prieuré de Sainte-Radegonde.
Mais, cette interprétation simple se heurte à deux objections. :
- La première est que Sainte-Radegonde est un prieuré isolé et non pas inclus dans un domaine qui aurait été donné aux moines en contrepartie de leur création et de leur peuplement du bourg, selon les usages médiévaux. Mais on peut considérer les sources historiques comme lacunaires et chercher à identifier ce domaine, par exemple à la Sanglère en Barbechat (voir V,2). Cette première objection n’est donc pas insurmontable.
- La seconde objection est plus sérieuse. Le prieuré Sainte-Radegonde, contrairement à Barbechat, ne se trouve pas dans la châtellenie de l’Epine-Gaudin, mais dans celle du Loroux-Bottereau. Ce prieuré n’est donc pas le fruit d’une donation du châtelain de l’Epine, mais a une autre origine (voir IV, 3).
Il faut faire intervenir ici un élément qui semble d’abord futile car il se présente comme une légende. Pourtant la prendre au sérieux confirme à Barbechat sa réputation d’être le bourg le plus ancien de la paroisse et « fait remonter Barbechat au VIème siècle » (R.S. Anatomie…, p. 82). Cette légende rapporte que Saint Martin de Vertou, allant de Vertou au Loroux, trompa le diable à l’Ouen après avoir conclu avec lui un marché : le diable construirait le Pont de l’Ouen pour permettre à Martin de franchir la Goulaine. En compensation, le diable gagnerait la première âme vivante qui le franchirait. Le pont construit, le saint lâcha un chat qu’il cachait dans son vêtement et que le diable dut poursuivre jusqu’au bord de la Divatte avant de l’attraper par les barbes en s’écriant : « Barbe de chat, je te tiens » (idem).
Cette légende fait sourire, mais les inventeurs de légendes n’inventent pas tout et colportent des circonstances significatives. Elles peuvent provenir des “Miracula sancti Martini abbatis Vertavensis” « rédigé dans la seconde moitié du Xe siècle par Liétaud de Micy, comme la “Vie de Saint Martin” , le texte fait référence à une tradition beaucoup plus ancienne », précise N. - Y. Tonnerre (Naissance de la Bretagne, p. 70 et 192). L’inventeur n’a inventé ni Saint Martin de Vertou, archidiacre envoyé par saint Félix, évêque de Nantes (mort en 582), pour évangéliser le Poitou, au sud de la Loire et « préparer en fait l’annexion du nord de l’Herbauge par le diocèse de Nantes » (idem, p. 162), ni les difficultés de Martin face au paganisme et sûrement aussi à la résistance des poitevins aux prétentions de Félix, qui cumulait les fonctions d’évêque et de chef laïc du pays nantais. Il n’a pas inventé non plus la voie dite “romaine” de Vertou au Loroux et à Champtoceaux qui traverse le territoire de Barbechat. Le premier - Pont de l’Ouen - voire même cette voie, peuvent dater du VIe siècle, comme le noyau de Barbechat au Perthuis-Chuerin, à l’église Sainte-Magdeleine, reconstruite au XIIIe siècle, dont on voit encore les vestiges, puisqu’en 1769 le lieu de culte a été transféré au bourg de Barbechat (R.S. Anatomie …, p. 153).
Cette légende d’allure médiévale plaide donc pour la contemporanéité de la fondation de Barbechat et de Saint Martin de Vertou, voire même pour une fondation de l’église Sainte-Magdeleine par l’abbaye de Vertou. La dédicace à la Magdeleine de l’Evangile, femme repentie, rappelle les païens que Martin cherchait à convertir et qui, comme le chat, étaient saisis par le démon, ou par une sorte de patriotisme poitevin. En tous cas, cette légende fait l’aveu que Barbechat est bien antérieur au XIe siècle, ce qui explique qu’il échappe au contrat du seigneur et de l’abbaye qui marque les bourgs fondés au Moyen-Age.
Par la suite, « Les Templiers s’établirent à la Chevalerie du Bois-Ferré » (R.S. - Anatomie…, p.86). Cet ordre à la fois religieux et militaire n’a pu s’établir que bien plus tard, au début du XIIIe siècle. En effet, les Chevaleries ou Cavaleries désignaient des commanderies de l’Ordre du Temple. Leur première mention est en Aveyron, en 1198 (S. Gendron, Origine des noms de lieux, p. 148).
En tous cas, Barbechat demeure une paroisse attestée « par le livre de la Savate (1277), les pouillés de 1330 et du XVe siècle » (R.S. Anatomie…, p. 86) et son curé reste nommé par l’abbaye de Marmoutier qui semble avoir conservé le bénéfice de la paroisse de Barbechat jusqu’à ce qu’elle cesse d’exister, au début du XVIe siècle, et devienne alors une dépendance de celle de la Chapelle Basse-Mer.
Le seigneur de Barbechat, « le vicomte » précise Reynald Secher, a élevé, vers 1050, une barbacane « sur une motte dans le but de défendre le passage de la Divatte nommé le Perthuis-Chuerin » (idem, p. 82). Et c’est cette barbacane qui est à l’origine du nom de Barbechat (idem, p. 82), bien que, dans une lettre du 31 octobre 1894, le curé Bioret avance : bar, montagne et bec’h, monceau sur montagne, qui désignerait le tumulus du Perthuis-Chuerin.
2 - Les indications d’Emile Bonneau.
Dans « Le Loroux-Bottereau et son histoire », seul ouvrage consacré au Loroux-Bottereau, à notre connaissance, E. Bonneau évoque le prieuré Sainte Radegonde, malheureusement sans les références du bon usage universitaire. Deux citations peuvent résumer son propos.
a - « En 1150, Hoël, comte de Nantes, donna à l’abbaye de Saint-Sulpice, dans le diocèse de Rennes, le prieuré de Sainte-Radegonde, fondé dans la paroisse du Loroux » (E. Bonneau, Le Loroux-Bottereau, p. 61 et p. 64 où ce passage est répété).
Précisons qu’Hoël est le fils du duc de Bretagne Conan III. Déshérité par son père, il ne devint pas duc à la mort de celui-ci en 1148, mais « paraît s’être résigné à son sort. Ecarté de l’héritage paternel par une mesure tardive et contestable, le fils du duc défunt alla s’établir à Nantes où il prit le titre comtal » (N.-Y. Tonnerre - La Bretagne féodale, p. 84). D’autre part, à Saint-Sulpice-la-Forêt, au nord-est de Rennes, se trouve l’abbaye Notre-Dame-du-Nid-au-Merle, abbaye bénédictine de femmes, aujourd’hui ruinée, créée vers 1117 dans une partie défrichée de la forêt de Rennes, dite du Nid-au-Merle, appartenant alors au duc de Bretagne (Rennes, Ed. du Patrimoine, p. 132).
b - « Le prieuré de Sainte-Radegonde fut fondé en 1141 par des religieuses venant de l’abbaye royale de Saint-Sulpice, ordre de Saint-Benoît, du diocèse de Rennes. De la même abbaye dépendait aussi le prieuré des Couëts, fondé vers la même époque. La première prieure de Sainte-Radegonde est Marie, fille d’Etienne, roi d’Angleterre […] En 1155, Hoël, duc de Bretagne et comte du Loroux, accorde de grands bénéfices et il érige ses terres en juridiction avec haute et basse justice » (E. Bonneau, Le Loroux-Bottereau, p. 125).
Nous venons de voir qu’Hoël n’a pas été duc de Bretagne. D’autre part, le village des Couëts en Bouguenais est bien plus ancien que ne le dit E. Bonneau car il s’appelle « Scotia en 1146, Scocii en 1157 […] Une communauté monastique irlandaise [y] était installée au VIIe siècle » (N.-Y.Tonnerre - Naissance…, p. 163). On appelait alors « écossais » (scots) les irlandais. Au IXe siècle, les Couëts désignent un ermitage (idem, p. 253).
3 - Fondation et cession du prieuré Sainte-Radegonde.
E. Bonneau présente le XIIe siècle comme celui de la fondation de Sainte-Radegonde. Pourtant, cette dénomination elle-même suggère une fondation bien antérieure car cette sainte, « après avoir fui la cour de son époux Clotaire Ier, prit le voile dans l’abbaye de Sainte-Croix [à Poitiers] qu’elle créa, puis confia au poète [Venance] Fortunat » qui fut évêque de cette ville (N.Y.Tonnerre, Naissance…, p. 161) A Poitiers « l’église Sainte-Radegonde abrite le tombeau de sa fondatrice, morte en 587 » (Guide Bleu-Poitou 1980, p. 138 et 151). La dédicace à Sainte-Radegonde rend probable que le prieuré du Loroux ait été fondé à l’époque où le sud de la Loire appartenait au Poitou, entre 587 et 942. D’ailleurs « la vénération à Sainte-Radegonde est bien attestée au sud de la Loire où quatre paroisses lui sont dédiées : Boussay, Gétigné, Monnières et Haute-Goulaine » (N.-Y. Tonnerre, Naissance…, p. 527).
N.-Y. Tonnerre (Naissance…, p. 523) met même l’église Sainte-Radegonde de Nantes pourtant au nord de la Loire, en relation avec l’ancienne appartenance de la rive sud au Poitou.
Il reste possible, cependant, que le prieuré Sainte-Radegonde du Loroux ait été fondé plus tardivement par Marmoutier, après 982, date où les moines y ont été rétablis. Ce monastère est lui-même situé au lieu-dit Sainte-Radegonde, tout près de Tours. La sainte était donc vénérée à Marmoutier.
En somme, la titulature du prieuré peut s’expliquer par l’action de l’évêché de Poitiers entre 587 et 942, ou peut-être par celle des moines de Touraine, après 982, toutes deux bien antérieures à 1141 qu’E. Bonneau donne comme sa date de fondation, sans référence justificative.
De plus, les deux citations d’E. Bonneau sont contradictoires : Hoël ne peut pas « donner » en 1150, à Saint-Sulpice, un prieuré que Saint-Sulpice aurait « fondé » en 1141. On ne peut donner à quelqu' un ce qu’il a déjà. Tout au plus, s’agit-il d’une confirmation, mais on en voit mal l’intérêt.
Par contre, l’année 1141 peut bien être interprétée comme la date où le prieuré passe de l’abbaye de Marmoutier à celle de Saint-Sulpice. C’est d’autant plus vraisemblable qu’en 1140, Marmoutier a perdu le bénéfice de la paroisse de la Chapelle Basse-Mer et a pu se défaire d’un bien devenu plus isolé et plus difficile à administrer.
VI - Le transfert du bénéfice de la paroisse de la Chapelle Basse-Mer de l’abbaye de Marmoutier au chapître des chanoines de la cathédrale de Nantes.
« Primitivement, comme le révèle la charte de Brice, évêque de Nantes, datée de 1115, la desserte et les revenus de la paroisse [de la Chapelle Basse-Mer] sont détenus par les moines de l’abbaye de Marmoutier. En 1140, à la suite d’un litige qui les a opposés au chapître de la cathédrale de Nantes, et dans le cadre d’un accord, la paroisse de la Chapelle se trouve être échangée contre celle de Sainte-Croix de Nantes. A partir de cette date, le curé titulaire de la paroisse de la Chapelle Bassemère est exclusivement le doyen du chapître » (R.S. Anatomie…, p. 96).
Le litige en question est relaté ainsi : « L’église Sainte-Croix de Nantes apparaît pour la première fois [mentionnée dans les sources historiques] en 1110-1112 quand Alain Fergent [duc de Bretagne] et son épouse Ermengarde en firent donation à Marmoutier. En dépit des réclamations de l’évêque Brice, la paroisse resta aux mains des moines de Marmoutier, comme l’indique une charte de Conan [Conan III, mort en 1148] datée de 1138. Les Moines édifièrent un prieuré dédié à Saint-Martin.
L’église Sainte-Croix, en fait, appartenait à un certain Papin. Lorsque la donation fut faite en présence de l’abbé de Marmoutier, Guillaume, le frère de ce Papin, Léon, tenta de s’opposer à la prise de possession de l’église par l’abbaye. Un autre acte établi par Conan (Dom Morice, Preuves, col. 571-573) précise que cette église, comme d’ailleurs Notre-Dame, Sainte-Croix, Saint-Saturnin et Saint-Aubin, appartenait au pouvoir comtal, selon la coutume du pays. Il faut entendre par là qu’elles appartenaient au fief comtal (Dom Morice, Preuves T1, col. 571-573). L’église fut bien concédée à l’évêque (Dom Morice, Preuves, col. 571) mais contrairement aux autres églises, elle fut ensuite rétrocédée à l’abbaye tourangelle. Du fait de la donation de Papin, les droits de Marmoutier apparaissent ici plus évidents » (N.-Y. Tonnerre - Naissance de la Bretagne, p. 526).
En somme, Marmoutier obtient bien l’église Sainte-Croix, mais cède, en échange, au chapître des chanoines, les bénéfices de la paroisse de la Chapelle Basse-Mer et son prieuré de Saint-Pierre qui a dû devenir alors une simple chapelle paroissiale.
Cet échange pourrait satisfaire les deux parties dans leur logique respective d’implantation géographique. En effet, l’Eglise de Nantes complétait, par la paroisse de la Chapelle Basse-Mer, ses possessions terriennes au nord et à l’est de Nantes. Elle cherchait alors à reconstituer son domaine ecclésiastique mérovingien très amoindri lors des invasions normandes au profit de seigneurs opportunistes. Les biens que revendiquent les évêques sont listés dans la charte de Louis VI Le Gros en 1123 (N.-Y. Tonnerre - Naissance…, p. 306). Elle comporte 78 articles dont une cinquantaine de paroisses du Nantais à savoir : Carquefou, Thouaré, Mauves, Saint-Julien-de-Concelles et Briacé.
De son côté, l’abbaye de Marmoutier devait trouver le bénéfice de Sainte-Croix plus avantageux que celui de la Chapelle Basse-Mer dans sa logique d’implantation sur la Loire. En effet, Sainte-Croix était alors la paroisse du port de Nantes et du franchissement de la Loire par des chaussées (dont celle de la Madeleine), des îles et des ponts menant à Pirmil sur la rive sud. Ces infrastructures économiques, dirait-on aujourd’hui, produisaient des bénéfices substantiels et promis à s’accroître grâce à la création de faubourgs et à des apports de population.
On voit donc que, dans les jeux respectifs de ces deux puissances religieuses, rivalisant pour accroître leurs biens et constituer des domaines temporels cohérents, les paroisses de la Chapelle Basse-Mer et même de Sainte-Croix furent des pions de menue monnaie, échangés de gré à gré, pour parvenir à un accord.
La Chapelle Basse-Mer au XVIIème, sur une carte des paroisses
V - Le domaine prioral de Saint-Pierre-ès-Liens.
1 - Des seigneuries du XVe siècle à l’ancien domaine de Saint-Pierre-ès-Liens.
Au XVe siècle, si l’on excepte les communs constitués de la vallée de la Loire, de son lit majeur pour être précis, et des bois bordant la rivière Divatte, et qui n’ont pas été défrichés, le territoire paroissial de la Chapelle Basse-Mer et celui de Barbechat, est divisé en 24 seigneuries (R.S. Anatomie…, p. 183). Les premières et les plus importantes en superficie correspondent aux diverses étapes du défrichement. Ce sont la Monderie, la Sanglère, Beau-Soleil, la Charaudière et l’Auberdière.
Le terroir du Chapître apparaît alors délimité, comme le montre la carte p. 183, par la rue du Calvaire, l’ancienne route de Saint-Julien jusqu’au carrefour de la Croix-Bertin, le ruisseau de la Noue jusqu’au carrefour du bas de Saint-Pierre, puis l’ancienne route de Saint-Pierre vers le centre du bourg, c’est-à-dire la rue du Stade, jusqu’à son carrefour avec la rue du Calvaire, tout près de la place de l’église. Ce terroir inclut le grand cimetière du Calvaire, le Champ-aux-Moines et la Dixmerie.
Le domaine du Chapître est, au XVe siècle, celui d’une seigneurie ecclésiastique dont le seigneur est le doyen du chapître des chanoines de la cathédrale de Nantes. Il est entouré de quatre autres seigneuries dont chacune a un domaine un peu plus grand que le sien, à l’exception de la Chenardière qui est de même taille, le Chapître étant au centre. Ces seigneuries sont la Chenardière au sud, la Grande Noue au sud-ouest, la Clairaie au nord-est et la Guérivière au sud-est. Les noms de la Chenardière (ardere signifie brûler en latin ; chêne brûlé) et de la Clairaie (clairière) se réfèrent aux défrichements, celui de la Grande Noue, au caractère humide, voire marécageux (noyé) de la haute vallée du ruisseau de la Noue, mot qui vient du gaulois nauda qui désigne une plaine humide.
Prises toutes ensemble, avant d’avoir été séparées, ces cinq seigneuries forment un territoire de forme presque circulaire, cohérente, et qui semble avoir formé une unité de défrichement ancien comparable à la Sanglère voisine. On peut donc remonter à la situation antérieure. En effet, même si aucun document historique ne nous le dit explicitement, cet ensemble doit avoir formé le domaine du prieuré de Saint-Pierre-ès-Liens, du temps des moines de Marmoutier, entre 1050 au plus tard et 1140. Ce domaine, démembré ensuite, mais avant le XVe siècle, le Chapître aurait alors été l’une des cinq seigneuries plus petites issues de ce remembrement et appartenant au chapître des chanoines de la cathédrale de Nantes qui nommait le curé de la paroisse et lui restituait une partie du bénéfice de cette seigneurie et de la dîme perçue sur la paroisse, pour faire face à ses besoins et à ceux de son ministère. La cure, nommée la Gaudine et dépendante de la châtellenie de l’Epine, de même que l’église paroissiale de la Chapelle Basse-Mer, ont toujours été à l’extérieur du domaine du Chapître, comme auparavant du domaine bien plus vaste de Saint-Pierre-ès-Liens.
Par contre, le lieu-dit la Mostelle, sur la route qui relie les bourgs de la Chapelle Basse-Mer et de Barbechat, signifie l’alleu du moustier, l’alleu du monastère. Alleu « désigne, en histoire, un domaine héréditaire dont la propriété est franche de redevance [opposé à fief, tenue] » (Alain Rey - DHLF, p. 50). Le monastère, terme général, ne peut être ici que le prieuré de Saint-Pierre-ès-Liens. La Mostelle plaide donc pour un grand domaine des moines, franc de redevance au châtelain, et s’étendant jusqu’à cette route.
De plus, au XVIe siècle, si l’on excepte la châtellenie de l’Epine, les deux seules seigneuries de toute la paroisse qui possèdent un droit de haute justice sont la Clairaie et la Chenardière (R.S. Anatomie…, p.184). Cela semble indiquer qu’il s’agit d’un droit issu du domaine prioral de Saint-Pierre-ès-Liens, et que les moines de Marmoutier ont dû obtenir avec ce domaine lors de la fondation du bourg.
Enfin, « l’exemple chapelain le plus marquant de la concentration des seigneuries » (R.S. Anatomie…, p. 185) aux mains d’un nombre de seigneurs qui diminue, est celui de la seigneurie de la Chenardière. Elle est unie à celle de la Clairaie par le mariage de Jehanne de Lescraign avec Guille de Juzet, en 1410, puis, à la Grande Noue, qu’achète Jacques Martel, seigneur du Parc, en 1620, après son mariage avec Marguerite, leur descendante.
Cette union des seigneuries de la Chenardière, de la Clairaie et de la Grande Noue entre les mêmes mains (qui feront ensuite l’acquisition des deux seigneuries de la Héardière et de la Jarry) semble montrer une certaine complémentarité fonctionnelle entre ces trois seigneuries, au moins celle de la régulation des eaux car leurs territoires constituent un unique bassin, celui du ruisseau de la Noue. On pourrait croire que le souvenir de leur ancienne unité pouvait s’y ajouter, mais cette opinion serait naïve à propos d’une époque où la conscience historique est faible.
En tous cas, cette unité du bassin de la Noue nous paraît un argument puissant pour identifier l’ancien domaine prioral de Saint-Pierre-ès-Liens. Ainsi, les moines maîtrisaient les eaux et leur écoulement sans dépendre d’aucun seigneur voisin. Cela leur procurait autonomie et autarcie de leurs étangs, irrigations et chutes d’eau pouvant mouvoir moulins, forges et foulons. Les bénédictins de Cluny furent partout pionniers, imités par ceux de Citeaux, dans l’aménagement des eaux, des marais, des vallées humides : retrouver ici cette préoccupation n’a rien d’étonnant.
2 - La cohérence de l’action de Marmoutier. Menons plus loin la réflexion : dès lors qu’on admet l’existence d’un tel domaine prioral de Saint-Pierre-ès-Liens étendu sur les cinq futures seigneuries issues de son démembrement : le Chapître, la Grande-Noue, la Chenardière, la Guérivière et la Clairaie, on voit se dessiner une proximité entre ce domaine prioral en la nouvelle paroisse de la Chapelle Basse-mer et Sainte-Radegonde, en l’ancienne paroisse du Loroux, et même une continuité territoriale entre eux, dans l’hypothèse où la future seigneurie de la Sanglère appartenait aussi à Marmoutier. Le fait que le cœur de Barbechat, déplacé du Perthuis-Chuerin au Bois-Guillet, soit contigu au territoire de la Sanglère plaide en effet en faveur de sa donation à Marmoutier par le châtelain de l’Epine. Mais cette hypothèse ne peut être ni documentée ni même davantage argumentée.
Cela signifierait que les moines de Marmoutier aient reçu peut-être, en plusieurs étapes successives, un très vaste domaine, touchant par ses deux extrémités est et ouest aux deux bourgs de Barbechat et de la Chapelle-Basse-Mer. Ils ont commencé à défricher près de la rivière Divatte, proche de leur prieuré de Sainte-Radegonde et de celui de Champtoceaux, fondé en 1038 (N.-Y. Tonnerre, Naissance…, p. 344) et accessible par une navigation exemptée du tonlieu sur la Loire par les seigneurs de Varades (idem, p. 344) et d’Ancenis (idem, p. 328). Puis, ils ont étendu les essartages en direction du futur bourg de la Chapelle-Basse-Mer, comme l’explique en substance Reynald Secher (Anatomie…, p. 83-85).
3 - Voies et limites de fiefs et de paroisses. Plus tard, les deux bourgs de Barbechat, puis de la Chapelle-Basse-Mer, ont donné naissance à deux paroisses indépendantes de celle du Loroux-Bottereau, comme la paroisse Saint-Nicolas de l’Epine en avait été démembrée un peu plus tôt, et comme le seront aussi, par ailleurs, celles de Saint-Julien-de-Concelles et de la Remaudière. Dès lors, il a fallu délimiter les nouvelles paroisses et, comme la paroisse-mère cherchait d’habitude, disent les historiens, à conserver tout le territoire possible, la délimitation s’est imposée aux limites sud du vaste ensemble prioral, qui est encore la délimitation actuelle entre les communes du Loroux et de la Chapelle.
De plus, si le domaine prioral de Saint-Pierre-ès-Liens regroupait bien les futures seigneuries du Chapître et de la Clairaie, sans parler ici des autres, les délimitations, au nord, en sont respectivement la rue du Calvaire et la rue du Grand-Puits.
Le cœur du bourg apparaît alors, à son origine au XIe siècle, divisé par cette voie de crête qui borde le ravin défensif de la Tannerie : du côté sud, se trouvait le fief prioral et du côté nord, le fief du seigneur de l’Epine, comme le montre le toponyme la Gaudine à cet endroit pour désigner le presbytère. A cette époque, le cœur du bourg n’était qu’un petit noyau proche de la « capella », qui avec l’arrivée de nouveaux « bourgeois », s’est étiré le long de cette voie et le long de la rue des Forges.
Mais l’actuelle rue du Stade n’était pas, au XIe siècle, la route de la Remaudière qu’elle est devenue. Près du stade actuel, elle ne se prolongeait pas vers la Guérivière, en desservant la Clairaie, car ces seigneuries et demeures n’existaient encore pas. Au XIe siècle, la rue du Stade n’était rien d’autre qu’une allée privée menant du bourg au prieuré de Saint-Pierre, puis sur son domaine, elle descendait au carrefour de la Petite-Noue, puis montait au carrefour du Moulin-des-Fillettes et se divisait en chemins d’exploitation internes au domaine.
En s’éloignant du cœur du bourg de la Chapelle Basse-Mer, deux routes entouraient le domaine prioral et le délimitaient : la route de Barbechat jusqu’à la Guillonière et au poste électrique de la route départementale 31, et la route de Saint-Julien jusqu’à Pennetrie (car, après la Croix-Bertin, la route franchissait alors le ruisseau de la Noue au Guiholet). Penneterie signifie lieu par où on entre, on pénètre, emprunté avant 1314 au latin penetrare (A. Rey DHLF, p.1469). Venant du Loroux par Saint-Barthélémy, route la plus ancienne, on pénétrait sur le futur territoire paroissial de la Chapelle Basse-Mer, on pénétrait sur le domaine prioral et même, avant sa concession, on pénétrait dans la châtellenie de l’Epine. Dans le sens inverse, on pénétrait dans la paroisse et la châtellenie du Loroux-Bottereau, et plus tard, dans la paroisse de Saint-Julien de Concelles.
Le châtelain (castellanus) de l’Epine semble avoir concédé aux moines la partie sud de son proche domaine, la plus éloignée de son château (puisque ici ne sont évidemment pas en cause ses possessions de la Remaudière, ou d’autres encore plus éloignées). La limite sud du domaine du prieuré de Saint-Pierre a donc toutes les chances de reprendre celle du domaine de l’Epine. Nous avançons cette hypothèse supplémentaire raisonnable. Sa conséquence est qu’au sud de cette délimitation se trouvait le domaine de la châtellenie du Loroux, auquel est accolé le nom de Botterel, Guillaume Botterel, mort en 1148, comme le nom de Gaudin est accolé à l’Epine.
Dès lors, cette délimitation entre les Noces, (lieu noyé, de même origine que noue), la Lande du Praud et la route de la Remaudière, apparaît comme une constante remarquable au cours de l’histoire. C’est la ligne naturelle de crête ou de partage des eaux entre le bassin de la Noue (alimentant la Loire par le marais du Chêne) et le bassin du ruisseau du Loroux (alimentant la Goulaine). Cette ligne de crête fut empruntée par la voie « romaine », ou gallo-romaine de Vertou à Champtoceaux passant par le Pont-de-l’Ouen, le Loroux-Bottereau, la Strée (strata, voie) et le pont Trubert (qui paraît emprunter son nom à la Trébertière voisine, treb signifiant hameau en celte). Cette délimitation entre les châtellenies de l’Epine et du Loroux deviendra peu après la limite des deux paroisses de la Chapelle Basse-Mer et du Loroux. Il est d’ailleurs vraisemblable qu’entre temps elle ait été la limite de la paroisse de l’Epine, d’une part (incluant, pendant quelques décennies, la future paroisse de la Chapelle Basse-Mer) et celle du Loroux d’autre part. Une délimitation si surchargée de sens finit par se figer et devenir immuable. Il n’est donc pas surprenant de trouver un peu plus loin sur la même délimitation le lieu-dit le Bois Chapelet que nous comprenons comme le bois par lequel passait la délimitation des paroisses du Loroux et de la Chapelle. Ce nom aurait été donné, après la délimitation des paroisses, par des gens de la paroisse du Loroux désignant cet ancien bois.
En somme, concevoir le domaine prioral de Saint-Pierre-ès-Liens comme le vaste ensemble que nous avons décrit éclaire bien des questions, illustre la cohérence de l’action des moines, éclaire la structure du cœur du bourg qui n’est pas régie seulement par la logique des anciennes voies, mais aussi par la logique des anciens fiefs, éclaire enfin les délimitations entre les paroisses nouvelles et l’ancienne paroisse-mère du Loroux-Bottereau. Ce concept du domaine prioral de Saint-Pierre permet de dégager des structures encore actives aujourd’hui.
VII- L’Epine-Gaudin
1 - L’origine ducale de la forteresse de l’Epine.
L’Epine semble désigner un lieu embroussaillé et douloureux parce que pentu. Il provient de espine (Xe siècle) et du latin spina. Il peut être une métaphore pour une forteresse annonçant en somme : qui s’y frotte, s’y pique. Après 942, le duc de Bretagne ordonna d’y construire une forteresse pour surveiller la Loire. (R.S. Anatomie…, p. 84). En effet, en 942, les trois « pagi » de l’Herbauge, des Mauges et de Tiffauges sont cédés par le comte de Poitiers, Guillaume Tête d’Etoupe, au duc de Bretagne, Alain Barbetorte, auréolé de sa récente et décisive victoire sur les Normands, au Pré Saint-Aignan à Nantes, en 937. «Tout le nord du Poitou avait été dévasté par les raids scandinaves C’est un territoire ruiné, échappant sans doute à l’autorité du comte de Poitiers qui est laissé à Alain Barbetorte » (N.-Y. Tonnerre - La Bretagne féodale p. 28).
L’Epine se trouve alors sur la vaste et ancienne paroisse du Loroux (l’oratoire) qui a été un foyer du christianisme et l’héritière d’un « vicus » gallo-romain. Comme Champtoceaux, le Loroux appartient alors, semble-t-il au « pagus » de Tiffauges allongé vers le sud, entre les Mauges à l’est et l’Herbauge à l’ouest.
Le traité de 942 a pour conséquence que la Loire, frontière traditionnelle entre les duchés de Bretagne et d’Aquitaine, depuis Ingrandes jusqu’à l’Océan, devient, dans cette portion de son cours, un fleuve qui coule dans le duché de Bretagne qui en occupe les deux rives. Il convenait donc d’en assurer la surveillance. La forteresse de l’Epine fut construite dans ce but, même si peu après, au XIe siècle, les conflits entre le duché et le comté d’Anjou qui annexa les Mauges, donnèrent à l’Epine une position frontalière près de la rivière Divatte qui restera leur frontière définitive.
2 - Le gardien du château de l’Epine en devient le châtelain.
Les premiers châtelains de l’Epine ne sont pas connus par des textes. Cependant, on peut comprendre leur destin par analogie avec celui des châtelains voisins, dans la mise en place de la féodalité à la fin du Xe et au XIe siècle. Ce ne sont, à l’origine que des « milites castri », des soldats, qui tiennent et gardent les châteaux et sont nommés par le duc.
Mais les pouvoirs du duc de Bretagne s’affaiblissent après la mort d’Alain Barbetorte, en 952 et sous son fils Hoël qui disparaît lui-même avant 981. C’est aussi l’époque de l’affaiblissement du centralisme de l’empire carolingien qui se morcelle au profit des ducs et des comtes dont on vient de parler.
Dans ce contexte, de manière évidemment inégale selon les rapports de force et les opportunités, les vassaux du duc ont tendance à prendre leur autonomie et on assiste à un morcellement du pouvoir bien que formellement ces vassaux fassent allégeance à un suzerain, comme le duc fait allégeance au roi. D’une façon générale, l’Etat carolingien et son système hiérarchisé et contrôlé par des fonctionnaires en mission (missi dominici) mais révocables, inspiré du modèle antique de l’Empire romain, se disloque. La féodalité s’installe.
Le gardien du château de l’Epine, comme ses homologues de Clisson, de Châteaubriant, de la Roche-Bernard et des châteaux mieux connus que l’Epine par des sources écrites et étudiés par N.-Y. Tonnerre dans « Naissance de la Bretagne », est devenu, au XIe siècle, au moment même de la création de nos bourgs, un châtelain (castellanus) qui se considère et que tous considèrent, comme le propriétaire d’un château et d’une châtellenie qui ne lui ont jamais été formellement donnés. Il impose son pouvoir sur les « milites » dont les chefs deviennent de petits seigneurs ou des chevaliers sans fief. Il en nomme certains à la tête des seigneuries vassales, sur le territoire de sa châtellenie, pour tenir tel ouvrage de défense ou simplement relayer son pouvoir et exercer ses droits.
D’autre part, le château ou la forteresse de l’Epine ne peut être, à la fin du Xe siècle, qu’une construction en terre et en bois. On creusait un fossé circulaire ou ovale. On rejetait la terre vers l’intérieur. Elle formait un talus qu’on battait et hérissait de pieux de bois jointifs formant un palis. C’est ainsi qu’on conçoit et construit les forteresses. Plus tard, au XIIe siècle, le talus pourra être dallé de pierres pour assurer sa stabilité et rendre son assaut plus périlleux, puis on construira en pierre ce qu’on se représente comme le château médiéval typique qui nécessite moyens et savoir-faire. On ignore les probables transformations de la forteresse de l’Epine, détruite par l’armée bretonne après la capture du duc Jean V au Pont Trubert.
3 - Le châtelain Gaudin.
Le nom de Gaudin est accolé, par tradition, à celui de l’Epine. Il a laissé aussi le dérivé de Gaudine pour désigner le presbytère de l’église de la Chapelle Basse-Mer et les terres qui en dépendaient. Amauricus (Don Lobineau T. II, p 185) « est cité dans le chartrier de Marmoutier » en 1050. Le châtelain et « possesseur de l’Epine-Gaudin est seigneur supérieur et fondateur des églises, chapelles et presbytères de la Chapelle Basse-Mer et de la Remaudière. A ce titre, il détient les droits honorifiques de banc, d’enfeu, de vitres et d’armoiries dans l’église » de la Chapelle Basse-Mer (R.S. Anatomie…, p. 199). De plus, « l’Epine-Gaudin possède le droit de haute, moyenne et petite justice » (R.S. Anatomie…, p.199).
Ce « droit honorifique » est affirmé avec force lors d’un procès dans lequel « ce droit est discuté par la [seigneurie de la] Clairaie, à la fin du XVIIe siècle » (idem, p. 199). A propos d’ « honor » on peut se demander si la lignée Gaudin dont seul Amauricus est mentionné dans les sources écrites, a été titulaire d’un « honor » carolingien avant l’existence de la forteresse de l’Epine, au IXe siècle, ou dans la première moitié du Xe siècle, c’est-à-dire « descend d’un titulaire de charge publique… Les premiers « domini» [maîtres, seigneurs] sont presque toujours les descendants d’un titulaire d’« honor » (N.-Y. Tonnerre Naissance…, p. 366).
Le nom même de Gaudin semble fournir une réponse négative à cette question. Il est composé de deux racines, le gaulois dünon qui donne le radical dun ou din, signifie « citadelle, enceinte fortifiée » (S. Gendron - L’origine des noms de lieux en France - 2003 p. 91) et gaut, mot ancien français d’origine germanique [franque] signifie « petit bois » (idem p. 208) qu’on pourrait rendre par « épine ». Gaudin a donc le sens de « la forteresse du petit bois » qui paraît désigner la forteresse de l’Epine. Une ascendance de noblesse carolingienne de la lignée Gaudin est donc invraisemblable puisqu’elle se désigne elle-même comme trouvant son origine dans une forteresse et presque certainement celle de l’Epine ce qui reflète bien la transformation déjà évoquée de simples chefs d’une garnison et d’un ouvrage de défense en châtelains féodaux.
Par contre, rien n’empêche qu’il y ait eu, dès l’époque gallo-romaine, un ouvrage défensif à l’Epine. Ce mot provient en effet du vieux français espine (fin du Xe siècle) et lui-même du latin spina. A quelques kilomètres, Champtoceaux est cité par Grégoire de Tours au VIe siècle. Il est aujourd’hui en cours de fouille (Histoire et images médiévales - n° 11 - nov-janv. 2007-2008). Mais pour l’Epine, une origine gallo-romaine n’est qu’une supposition.
4 - Le bourg et la paroisse de l’Epine.
Au début de la construction de la forteresse, peu après 942, l’Epine a dû n’être qu’un simple campement de chantiers, consistant surtout en terrassements, puisqu’à cette époque on construisait les ouvrages de défense en terre et en bois.
La construction puis l’entretien de cette forteresse et de sa garnison nécessitaient une main-d’œuvre qu’il fallait nourrir. Des paysans libres ou des serfs attachés aux domaines produisaient sur place les denrées de consommation courante. Le village de l’Epine a donc dû grossir pendant la construction de la forteresse et son armement et se constituer rapidement en un bourg sur la terrasse qu’il occupe encore aujourd’hui, en contrebas de la forteresse, ni sur le plateau, ni dans la vallée qui devaient rester des terrains de manœuvre et des dégagements défensifs.
Ici, on n’a aucun indice d’une intervention des moines comme ce sera le cas à Barbechat puis à la Chapelle Basse-Mer. Il est donc vraisemblable que le bourg de l’Epine ait été un bourg castral, c’est-à-dire réalisé à la seule initiative du châtelain et non un bourg prioral.
Ce châtelain obtient la création d’une paroisse au bourg de l’Epine. Il fait construire, près de la forteresse, une église, dédiée à Saint-Nicolas, patron des marins et un cimetière. Cette création d’une paroisse suppose l’accord de l’évêque de Nantes dont nous n’avons pas trace. Elle a dû susciter au moins des réticences de la paroisse du Loroux-Bottereau, comme c’était souvent le cas dans pareille situation, car elle perdait une partie de ses ouailles et de sa dîme. La coutume voulait que les baptêmes restent pratiqués dans l’ancien baptistère dont ce rôle essentiel est rappelé par la dédicace Saint-Jean Baptiste de l’église-mère du Loroux.
La période où la paroisse de l’Epine existait mais où celle de la Chapelle Basse-Mer n’existait pas encore, n’a pas dû être longue. On ignore la date de création de cette dernière paroisse mais elle a été créée peu après celle du prieuré de Saint-Pierre-ès-Liens puisque son premier but était justement de créer un bourg, puis une paroisse et d’assurer le service de sa cure.
5- L’Epine et la Loire.
Le culte de Saint Nicolas se répand après 1087 où ses reliques sont transportées de Myre (Lycie) en Italie par prévention de l’avancée turque (R.S. Anatomie…, p. 794) et confirme que la surveillance de la navigation sur la Loire est la préoccupation principale des fondateurs de la forteresse ducale. Les ports de Saint-Simon (ce nom n’a été donné qu’au XVIe siècle à la chapelle qu’on y a alors construite) et du Port-Moron (Moron : de la moraine ou du bourrelet naturel de la rive) trouvent peut-être là leur origine bien que rien ne l’atteste. Leur site en fait des ports de transbordement entre ce qu’on nommera plus tard la voiture de Loire et la voiture de cabotage. Cette dernière était réalisée par les coureaux ou barques plates, capables de se faufiler sur les cours d’eau étroits comme les boires de la Chabotière (dont le nom signifie cabotage) reliant Saint-Simon au coteau sud et au Champ-Blond qui draine le pied du coteau où la forteresse est assise et devait servir à sa défense, si l’on comprend bien son nom comme désignant un « champ » de bataille teinté de sang. Sa couleur rouge, surtout délavée par l’eau, pouvant se rendre par l’adjectif « blond ».
6- La toponymie éclaire les défrichements et les ouvrages de défense.
La construction de la forteresse et du bourg de l’Epine suppose un minimum d’espace défriché dès la seconde moitié du Xe siècle. Ces défrichements ont été amplifiés ensuite pour créer un terroir de subsistance à une époque où presque tout ce qu’on consommait était produit sur place. Aucun écrit ne précise les dates de ces défrichements mais la toponymie locale est éclairante.
Elle fait apparaître d’abord aux alentours de l’Epine, des « lieux habités et cultivés » (qu’exprime le radical latin « cole ») dès l’époque gallo-romaine, bien avant la création de la forteresse. C’est le cas du Colin, justement sur la voie « romaine » du Loroux-Bottereau à Champtoceaux, à l’ouest de Barbechat, elle-même désignée par la Strée (strata : voie), du Pré-Coles (ce qui précède habitation et culture) à l’est de Saint-Simon, sur le bourrelet de rive ou levée naturelle servant de chemin le long du lit mineur du fleuve. Plus loin de l’Epine, c’est aussi le cas de la Colaissière, à l’est de la Varenne et de la Collinière, au nord-est de Barbechat sur Saint-Sauveur de Landemont. Près de l’Epine, Vilfin semble désigner le finage, le territoire d’une villa gallo-romaine, d’un domaine rural comportant demeure aristocratique et exploitation agricole.
Les toponymes en « ière » et en « erie » correspondent à des établissements nouveaux des XIe et XIIe siècles, après des défrichements entrepris par des particuliers, nobles ou non, pour les premiers, et par des moines, pour les seconds (N.-Y. Tonnerre - Naisssance…, p. 462). C’est le cas de la Monderie (l’émonderie ; « mond » ne peut signifier « moine », la lettre « d » y fait obstacle) confirmée par la Brunetterie et l’Abattis voisins, de la Faussinerie, proche de l’Epine et aussi de la Riverie (terre bordant un cours d’eau, un étang) et de la Pinarderie (pin brûlé) proches de Sainte-Radegonde, ce qui n’est pas un hasard.
Les noms en « ière » sont nombreux. La Charaudière et l’Auberdière désignent de grandes seigneuries défrichées, les premières par des capitaines du châtelain de l’Epine. D’autres désignent des lieux-dits aux destins divers, sur le coteau comme la Cossinière, la Vrillère, les Hautes-Rivières, la Milcendière (miles : militaire - en : dedans, caserne) ou dans la vallée comme la Pironnière, la Blanchetière (blanchir est éclaircir, défricher), la boire de la Chabotière, les Rivières. Ces noms en « erie » et ière » datent des défrichements des XIe et XIIe siècles. Certains, avant même l’an 1 000, ont suivi de près la construction de la forteresse et du bourg de l’Epine, d’autres ont pu attendre 1 300. La toponymie ne peut les distinguer, sauf exception, restant limitée dans la précision de ses datations.
La même difficulté se retrouve dans les toponymes qui marquent le terroir de l’emprise des gens de guerre pour la mise en défense de la forteresse, lorsqu’on en est proche, ou pour les besoins des guerres féodales postérieures, surtout quand on s’éloigne de l’Epine. Le Caroil du Pin, aux portes de l’Epine, est un terrain d’entraînement d’artillerie où l’on tirait des carreaux (quarrel -1080), ou des pointes métalliques de section carrée emmanchées de pin, de grosses flèches lancées à l’arbalète, bâtis pouvant être munis de roues, sorte de petits canons, utilisant non pas la poudre alors inconnue, mais des ressorts à forte tension. Au Bois-Méchine se trouvaient des machines de guerre, à la Milcendière étaient logés des militaires, la Haie-du-Pont désigne une palissade, un alignement de pieux fichés en terre défendant le Pont-de-l’Epine voisin qui franchit la boire du Champ-Blond, déjà évoquée. Au Rondeau, on faisait des rondes de garde. Au Bois-Garnaud était postée une garnison. La Plaise et le Plessis-Brésigaud (plessis : clôture faite de branches entrelacées ; breiz : Bretagne, comme le Plessis-Brezot, au Pallet en Loire-Atlantique (N.-Y.Tonnerre, Naissance…, p. 446) sont des termes de la seconde moitié du XIIe siècle pour des bois mis en défense. Les deux Corauderies alignées sur l’Epine, en vallée, et, sur le plateau, le Pâtis-Coraud et peut-être les Audelières et Pochaude sont des relais de cor pour transmettre des signaux, des messages comme la Coraudière près du Loroux-Bottereau. Près du bourg de la Chapelle Basse-Mer, Bourgneuf désigne une redoute (bas-latin « burgus » : lieu fortifié).
7- Le châtelain de l’Epine crée La Chapelle Basse-Mer.
La situation où existait seulement la paroisse de l’Epine démembrée de celle du Loroux-Bottereau ne devait pas satisfaire le châtelain de l’Epine qui fit appel aux moines du monastère de Marmoutier, déjà bien installés sur tout le cours de la Loire et notamment dans le prieuré de Champtoceaux, fondé en 1038, et circulant sur le fleuve avec la facilité de l’exemption du tonlieu ou taxe de navigation, obtenue du puissant baron d’Ancenis.
Les monastères sont, aux Xe et XIe siècles, des entrepreneurs d’envergure internationale, experts en défrichements, aménagements et mise en valeur des terres et des eaux. Ils concentraient les clercs, les gens instruits, non seulement en matière religieuse, mais également profane : médecins, légistes, scribes qui ont écrit les chartes, sources historiques presque exclusives pour cette époque, ingénieurs agronomes et hydrauliciens, architectes, régisseurs, intendants. Même les princes ne pouvaient alors se passer de leurs services pour leurs entreprises, leur gestion et notamment pour créer des bourgs.
Le châtelain de l’Epine et le monastère de Marmoutier s’entendirent et dans leur scriptorium de Marmoutier, les moines rédigèrent une charte scellant cet accord. Faute de pouvoir la lire, on peut s’efforcer de la reconstituer de manière plausible. Le châtelain Gaudin ou ses descendants leur donneraient un fief, ou plus précisément un alleu, un domaine franc de redevance seigneuriale, pour établir leur prieuré.
Les moines défrichèrent progressivement leur nouvel alleu du domaine de Saint-Pierre-ès-Liens alloué pour la création de la paroisse de la Chapelle Basse-Mer. Ils défrichèrent aussi d’autres lieux déjà évoqués. Les capitaines de la châtellenie en firent autant et essartèrent des fiefs depuis la forteresse en direction de la vallée et de la Capella Batsameri.
Puis la Chapelle Basse-Mer devient à son tour paroisse à côté de celle de Barbechat. On peut supposer, en effet, qu’elles se partagent l’éphémère paroisse de l’Epine qui s’efface alors. Le seigneur ou la dynastie Gaudin semblent s’être ravisés d’avoir établi un premier bourg à l’Epine, mais les événements historiques n’avaient sans doute pas un tel sens lors de leur déroulement et les décisions de Gaudin peuvent paraître adaptées à l’extension géographique du peuplement.
La forteresse de l’Epine et l’église Saint-Nicolas subsistent jusqu’en 1420, date où elles sont détruites par l’armée bretonne de Jean V. Mais la châtellenie de l’Epine et tous ses droits subsistent jusqu’à la Révolution Française, aux mains de plusieurs familles dont celle de Goulaine de1594 à 1788 (R. S. Anatomie…, p. 182 et 189).
Conclusion
Dégageons ici clairement les cinq thèses que nous avons avancé et étayé pour comprendre la création du bourg et de la paroisse de la Chapelle Basse-Mer.
1 - Avant 1050, le châtelain Gaudin fait appel aux moines de Marmoutier, actifs dans le voisinage, pour créer le bourg de la Chapelle Basse-Mer.
2 - Pour cette création et la charge de la cure, Marmoutier reçoit les bénéfices ecclésiastiques de la paroisse qui s’y instaure et le domaine prioral de Saint-Pierre-ès-Liens, correspondant, pour l’essentiel, au bassin de la Noue.
3 - L’origine de l’axe du bourg se trouve dans des chemins fort anciens. Ils sont utilisés pour séparer le domaine concédé aux moines des seigneuries vassales de l’Epine-Gaudin : la rue du Calvaire et celle du Grand-Puits.
4 - Les limites entre la châtellenie de l’Epine-Gaudin et celle du Loroux-Bottereau sont très stables et seront reprises comme limites sud du domaine prioral de Saint-Pierre-ès-Liens et comme limites sud des paroisses, tant celles de l’Epine que, par la suite, celles de Barbechat et de la Chapelle Basse-Mer.
5 - Le cœur du bourg, site défensif naturel est mis en défense par un, voire plutôt deux édifices : une motte au nord, un fortin au sud, enserrant la Capella et expliquant la forme ancienne de l’actuelle place de l’église.
Nous sommes conscients que, prises isolément, ces thèses paraissent aventureuses. Nous espérons avoir convaincu, par nos arguments, qu’elles sont raisonnables et d’un grand bon sens.
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