Les invasions des Normands
en Bretagne et dans le Val de Loire
Yves-Bernard Gasztowtt
D’après : F. Lebrun et al : Histoire des pays de Loire. - N.Y. Tonnerre : Naissance de la Bretagne.
1 - De 799 à 853, des incursions et des pillages occasionnels.
Les opérations maritimes des Vikings ou Normands paraissent progressives et organisées. Ils accumulent le plus possible d’informations pour mieux cibler leurs objectifs futurs.
En 799, les Normands apparaissent à Noirmoutier et reviennent les années suivantes. Mais ces attaques ne paraissent guère inquiétantes car le monastère, proie tentante, n’est fortifié qu’en 830 et les moines ne quittent l’île qu’en 834. Ils installent à Déas (plus tard nommé Saint-Philbert-de-Grand-Lieu) la châsse de Saint Philbert, le fondateur.
En 840, le roi de France Charles le Chauve confie à Renaud le commandement de l’Herbauge (Pays de Retz) et du Nantais pour les défendre contre les Scandinaves.
Le 24 juin 843, 67 bateaux, d’après la Chronique de Nantes, arrivent devant la ville, après la mort du Comte Renaud, le jour de la Saint Jean-Baptiste. Les Vikings franchissent les remparts mal défendus, assassinent l’évêque Gothard et de nombreux prêtres et fidèles en plein office et brûlent la cathédrale en emmenant des captifs.
Dès 843, les moines de Vertou abandonnent leur abbaye et se replient à Saint-Jouin-de-Marnes (Deux-Sèvres) avec la châsse de Saint-Martin. Les moines de Rezé en font autant et déplacent les restes de Saint Lupien à Clermont-Ferrand.
2 - De 853 à 890, une installation permanente.
En 853, un nouvel assaut Normand contre Nantes annonce une nouvelle étape. Prenant en otage l’évêque Actard, les Normands établissent un camp permanent dans l’île de Bétia, près de Nantes. De là, ils exercent une pression constante sur le pays par des attaques de cavalerie.
Le 8 novembre 853, ils incendient Tours. En juin 854, ils saccagent Blois et l’évêque Agius les refoule d’Orléans. En décembre, ils pillent Angers et tentent de prendre Poitiers en 855. Le 18 avril 856, Orléans succombe et est incendié en 865, puis mis à sac en 868.
Erispoé, roi de Bretagne, adopte une stratégie faible et tragique. Incapable de prendre le camp Viking proche de Nantes, il pactise en 855 avec le chef normand Sidric qui remonte la Loire avec une seconde flotte, espérant qu’il attaquerait le premier camp normand. Sidric se contente de recevoir un tribut des Normands déjà établis et s’en va piller Redon qui paie sans doute aussi un tribut (danegeld). Les Normands obtiennent de belles rançons en s’emparant d’otages : l’évêque de Vannes et le comte Pascweten.
En 858, Déas est abandonné par les moines de Noirmoutier. En 868, les moines d’Indre enlèvent définitivement le corps de Saint Hermeland.
Salomon, nouveau roi de Bretagne, renonce tacitement à intervenir contre les scandinaves et les laisse s’installer durablement en Basse-Loire pendant les six premières années de son règne qui dure de 857 à 874 ; le danger viking s’accroît encore ensuite, malgré l’action de 873 contre les danois établis à Angers depuis 872.
En 875, les Normands attaquent Le Mans, puis Angers en 886. Ils incendient Tours en 903.
Pendant ce temps, les princes bretons se déchirent entre eux. Salomon est assassiné en 874. Pascweten, comte de Vannes et Guruvant, comte de Rennes se battent pour obtenir le gouvernement de la Bretagne. Pascweten s’allie aux Scandinaves contre son adversaire. L’un et l’autre disparaissent en 876, mais Judicaël, comte de Poher et Alain, frère de Pascweten s’entre-déchirent dans le même but.
Abandonnés de leurs princes, les Bretons ne peuvent rien attendre non plus des rois carolingiens. En 882, Louis III intervient en Basse-Loire avec son armée, mais au lieu de livrer bataille, il négocie avec le chef normand Hasting et, contre une forte somme d’argent, obtient le départ des Normands qui reviennent dès 886.
Enfin, en 889, se rendant compte que leur politique était suicidaire, Judicaël et Alain se réconcilient et unissent leurs forces contre les Scandinaves. Ils délivrent Nantes par une bataille en Basse-Loire et leur victoire de Questembert donne un long répit de 890 à 907 et vaut à Alain le titre d’Alain-le-Grand. Son rapprochement du roi de France Charles-le-Simple lui permet de se prévaloir lui-même du titre royal. Il s’efforce de reconstruire Nantes.
3 - De 907 à 937, l’effondrement breton et le début de la colonisation scandinave.
La mort d’Alain-le-Grand en 907 provoque une nouvelle guerre de succession. Le vicomte d’Angers, Foulques-le-Roux, réussit à prendre la Basse-Loire et à s’intituler comte de Nantes en 914. C’est alors que la Bretagne affronte l’assaut le plus sérieux des Vikings.
En 913, le monastère de Landévenec est détruit et les Scandinaves s’installent durablement en baie de Brest. Entre 913 et 919, les derniers moines fuient de Saint-Gildas-de-Rhuys, de Locminé, de Saint-Sauveur-de-Redon. La Chronique de Nantes précise : « Fuyant par crainte des Normands, les comtes, vicomtes et tous les machtierns se dispersèrent à travers toute la Francia, la Bourgogne, l’Aquitaine ». En 913, ce qui restait de Nantes est incendié. La Basse-Loire devient une sorte de Normandie, un embryon d’Etat viking dirigé par Ragenold puis Incon, jusqu’en 936.
En 921, Robert, duc puis roi des Francs, assiège les Vikings des îles de la Loire, mais se retire après cinq mois de siège infructueux. En 927, ce scénario se reproduit avec Hugues-le-Grand et Herbert de Vermandois.
Mais les Normands n’étaient pas assez nombreux pour contrôler la Bretagne et durent faire face à des révoltes locales, comme en Cornouaille, en 931.
Enfin, en 936, Alain Barbetorte, comte de Poher, exilé en Angleterre, rentre en Bretagne, défait les Normands et prend Nantes en 937. La menace des Scandinaves ne disparaît pas et leurs navires circuleront encore jusqu’à la fin du Xe siècle. Mais leurs opérations d’envergure sont terminées.
De 843 à 936, ils ont maintenu l’instabilité par des raids et des occupations prolongées, notamment à Nantes et en Basse-Loire. La vallée de la Loire a été une voie de pénétration efficace pour les Normands, mais aussi pour les armées franques des comtes qui, comme les chefs bretons, ont généralement continué leurs incessantes guerres internes à peu près comme si les Normands n’étaient pas là.
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