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Guide toponymique de Saint-Simon

Pour gagner Saint-Simon, il faut entendre des mots assourdissants.

Résumé de Yves Bernard Gasztowtt, 07.07.2007

La toponymie est la science des noms propres (en grec, nymos) de lieu (topos). Elle part du principe que les noms de lieux ont un sens et ne sont pas arbitraires même si parfois l’oubli les rend difficile à percer.

 

La toponymie rapproche et compare aussi des noms de lieux voisins qui s’entre éclairent pour obtenir des configurations de sens  plus précises.

Enfin la toponymie étudie l’époque où les noms de lieux ont été donnés.

 

I - Saint-Simon abordé par le nord (ou par l’air)

 

Le " Port de Mauves" est un ancien nom de Saint-Simon

 

1 - Mauves vient du latin "Mala via" (1123, charte de Louis VI le Gros), la mauvaise voie, le mauvais chemin, et ce qualificatif peut s’appliquer à toute la contrée de part et d’autre de la Loire qui s’élève de 30 m. à l’ouest, au chemin Nantais, à 82 m. à la Barre, au nord du bourg de Mauves. Dès lors, tous les chemins de terre et d’eau deviennent mauvais. Ceux de terre sont pentus et franchissent des coulées latérales encaissées parfois marécageuses (Gobert). Ceux d’eau se rétrécissent, de l’ouest, où le fleuve s’étend à perte de vue entre des îles à l’est, où le goulot, de Champtoceaux à La Varenne, l’encaisse et accélère le courant. A Mauves, les marées moyennes cessent leur effet et le flot de mer cesse d’être porteur. Enfin franchir le fleuve, par bateau ou par gué, amenait à franchir la vallée, autrefois largement ennoyée.

2 - Vieille-Cour. "Vieux" qualifie évidemment un lieu anciennement fréquenté par l’homme. Il porte les ruines d’un temple romain et d’habitats antérieurs car le sol, devant l’entrée du temple est marqué de trous de poteaux de bois qui attestent des constructions préhistoriques. Vieille-Cour est donc occupé à l’époque gauloise et probablement bien avant.

"Cour" , parmi d’autres sens dérivés et ici subalternes, désigne un lieu enclos où l’on se réunit. Mais ont peut enclore un lieu par des murs, des palissades, des pieux dressés, en l’entourant d’un fossé noyé ou sec. A Vieille-Cour, sans rien construire, le précipice à pic existe sur trois côtés, formant un éperon barré. Au nord seulement s’établit la continuité avec le "vicus", la bourgade romaine, ses villas, son théâtre et ses termes, à Saint-Clément.

3 - La Drouetière ne tient pas son nom de la rive droite de la Loire, mais de la falaise verticale (notion contenue dans « droit » dès 1080, dit Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française. DHLF) formant, comme à Vieille-Cour, un promontoire servant de belvédère naturel, puis aménagé, d’observation du fleuve, condition de son contrôle, ou au moins, de la prévention de toute surprise. 

Le mot "Drouetière" explique par la verticalité ce que dit "Vieille-cour" de l’ancienneté d’un lieu clos.

Dès 1150, "Dreite veie" qualifie une voie en direction constante « qui  va à un point par le plus court chemin » (DHLF p. 633). Certes, depuis la voie romaine parallèle à la Loire, au nord de Mauves, gagner Saint-Simon par le Val Manteau, puis Guette-Loup, est plus court que le détour carrossable par le bourg de Mauves. " Drouetière"  peut secondairement porter ce sens.

 

4 - Val-Manteau. Ce n’est pas un val de Loire au sens du Val d’Authion ou du Val de la Divatte, mais le ravin pentu et tout droit qui sépare Vieille-Cour de la Drouetière en fendant la falaise de Mauves. Le Long du ru qui y dévale presque toute l’année, se faufile un mauvais sentier piéton ou cavalier entre deux parois droites. Quelques sentinelles sur les crêtes des falaises de Mauves, maîtriseraient ce passage, ainsi protégé, couvert sur ses flancs, comme par un manteau enveloppant." Val" signifie donc ici saignée ou ravin de communication et « Manteau » indique que ce val est protégé, mantelé par les hauteurs entre lesquelles il s’engage au nord, pour aboutir à leur pied, face au fleuve, au sud. Ce val est une échelle oblique à l’intérieur de la forteresse naturelle qui la couvre. Il permet le passage du niveau supérieur du coteau au niveau inférieur, celui du fleuve.

 

5 - Guette-Loup serait une déformation de Gué-au-Loup.

Sous la domination romaine et plus anciennement, le loup vivait encore dans nos régions et s’y maintient jusqu’au début du XVIIe siècle en forêts et taillis encore présents ici. "Guette-Loup"  remonte peut-être à la présence de l’animal (Guetter vient de guaitier - 1080), mais l’homme peut être visé comme l’ont souligné Plaute et Hobbes "Homo homini lupus" et le fleuve aussi peut faire l’affaire, sans parler d’une maladresse comme lorsqu’on loupe une pièce ou une marche. Toute menace est un loup.

Le mot « Gué » désigne un passage, un travers, découvert aux basses-eaux et prolongeant, dit-on, le Val-Manteau vers Saint-Simon. Mais si, sans racine commune, « guette » est une déformation par l’usage de " gué " (mot issu - 1080 - du francique wad et correspondant au latin vadum) ces deux mots renvoient à l’expression "faire le guet"  (qui se prononce "faire le gué" ), c’est-à-dire surveiller qu’aucun homme, aucun loup, aucune montée des eaux ne viendra gêner ou empêcher la traversée périlleuse du courant.

Autant le Val-Manteau est un passage, certes raide et étroit mais protégé et qui peut être facilement mis sous bonne garde, autant à son débouché, tout change. Guette-Loup sonne comme un signal : Attention, voyageur qui quitte le raidillon protégé. Tu as pu cheminer à l’aise et relâcher ton attention. Mais c’est ici l’endroit du danger. Tu risques ta vie. Les menaces rodent : les loups, les hommes armés, le fleuve. Redouble d’attention pour ne pas trébucher ni louper le gué, te noyer, mourir assassiné.

 

6 - Chemin de la Borne. Si l’on parvient, même mouillé, de l’autre côté du gué, on revient de loin, d’une sorte de frontière ou de borne où l’on a flirté avec la mort. On était allé jusqu’aux bornes, comme si, de l’eau à la terre, on revenait de la mort à la vie. Le chemin de Borne touche une limite à la fois territoriale et mentale : il fait changer de pays : du haut pays montueux - le pays de l’air et du vent - au gué entre deux eaux, puis au pays plat. Il fait changer d’état d’esprit : de la sécurité du manteau à l’inquiétude extrême de Guette-Loup, puis à la relative sécurité d’une île entre les eaux. Seul Saint-Simon est un havre.

A Mauves, d’autres noms parlent d’eux-mêmes : le Chemin-Pavé conduisant de La Barre au quartier du port et qui se prolongeait par « une chaussée submergée qui traversait le fleuve en diagonale pour aller toucher au port de Pierre-Percée » selon Léon Maître (Les Villes disparues des Namnètes, cité dans Mauves-Histoire - n° 1 - 1992). Nous y reviendrons.

« L’histoire des mots… réserve mille surprises », dit Alain Rey dans l’adresse au lecteur (DHLF XI). Rapprochons les dates d’apparition, ou plutôt d’attestation écrite de ces mots : Mauves 1123, Cour 1352, Droit 1080, Gué 1080, Gaitier 1080, Lu 1080, Loup 1180. Or l’auteur du dictionnaire précise « 1080 est une convention commode et vraisemblable pour "attesté dans la Chanson de Roland" et rien de plus » et que ce texte anonyme, écrit en français, pour d’autres vers 1100, est un «  rare témoignage écrit, le latin occupant alors la majeure partie du terrain » .

Précisons que le fameux Roland, mort à Roncevaux en 778, et considéré comme le neveu de Charlemagne, était Comte de Nantes et Marquis de la Marche de Bretagne, zone militaire regroupant les comtés armoricains non conquis par les bretons.

 

II - Saint-Simon abordé par le sud (ou par le feu)

 

Saint-Simon fut le port de l’ancienne « forteresse de l’Epine-Gaudin… qui a précédé le château du XVe siècle… Le territoire chapelain fait partie de la Bretagne depuis 942, date de la signature du traité entre le duc Alain Barbetorte et Guillaume Tête d’Etoupes, comte de Poitiers… L’édification de cette forteresse s’explique très bien comme élément d’un système défensif composé, par exemple, des châteaux d’Oudon et du Loroux-Bottereau et dont le rôle essentiel est la surveillance du fleuve » (R. Secher Anatomie…, p. 83). La forteresse fut démantelée en 1420. Les seigneuries du proche coteau donnent leurs noms aux îles de la Loire sur lesquelles elles ont des droits. On trouve donc les noms d’île Barre, de boire Barreau et d’île de la Vrillère.

 

A - La forteresse et ses abords.

1- L’Epine-Gaudin.

« Epine, nom féminin, est… issu (fin Xe siècle, espine) du latin spina "épine" » "arbuste, plante épineuse" , "piquant d’animaux "," épine dorsale" et au figuré "difficulté" ». Ce dernier sens nous paraît qualifier le site, difficile parce que le terrain, les chemins sont difficiles dans toutes les directions, étant au flanc d’un coteau escarpé dans une position comparable à Mauves, la mauvaise voie, sur l’autre rive. Si les noms d’Epine-Gaudin et de Mauves différent, leurs deux sens renvoient à la même réalité géographique d’un coteau escarpé ou le chemin est mauvais et épineux. Nous montrons ainsi clairement que « Mauves » peut bien s’appliquer à l’amont du Val de Divatte et pas seulement au bourg de Mauves.

 

Gaudin ne peut guère se rapprocher que du latin "gaudium" , la joie et « du verbe sorti d’usage gaudir (v.1242 railler) » (DHLF p. 874, articles " gausser"  et "gaudriole" ). On aurait alors dans l’Epine-Gaudin deux mots en contraste se renforçant l’un l’autre, un doublement antonymique signifiant «  la difficulté, la peine, pour ceux qui étaient dans la joie » qui évoque une difficulté inattendue, surprenante et d’autant plus pénible, celle d’emprunter une forte pente quand on quitte un pays plat, que ce soit la vallée ou le plateau.

2 - Le Pont de l’Epine paraît désigner un moyen d’accès à la forteresse en franchissant le Champ-Blond, formant sa défense naturelle.

3 - La Haie-du-Pont peut simplement signifier le bois du pont de l’Epine, mais "Haie"  a probablement ici le sens de « l’ancien haut allemand Hegga "pieu, palissade"  (DHLF p. 938) » et désigne un ouvrage avancé de fortification, de ce pont dans la direction de la Loire d’où vient toute menace d’attaque.

4 - Le Caroil-du-Pin.

Caroil fait penser à carroyer, mais ce verbe n’est attesté qu’en 1950. Par contre, il fait penser à « carreau, nom masculin, d’abord quarrel (v. 1080) quarel (1160) puis carreau (XIIe siècle)… issu d’un latin tardif quadrellus, diminutif de quadrus  "carré" (→ carrer) représenté par le latin médiéval quadrellus "projectile d’arbalète" (v.578)  "mesure agraire de superficie" (v.868) et "dalle de pavement" (XIIIe siècle). Le mot réalise d’abord l’idée d’"objet à section rectangulaire ou carrée" dans un emploi très particulier, aujourd’hui disparu, celui de "trait d’arbalète au fer de section carré" » (DHLF p.355).

« Pin, nom masculin, est issu (1080) du latin pinus employé par métonymie en poésie pour tout objet en bois : vaisseau, bois de lance ».

L’association de "bois de lance" ,  bois lancé à "carreau" , montre dans "Caroil du Pin"  une cohérence qu’il est bien difficile d’obtenir par d’autres associations que celle de "lance garnie d’un carreau" , c’est-à-dire celui une grosse flèche d’arbalète.

« Arbalète, nom féminin, est issu (1080) du composé latin arcuballista (Végèce) de arcus (→ arc) et balliste (→ baliste). Il est écrit arbaleste dès la Chanson de Roland, par disparition du c. de arcus (arcbalestre)… L’arme fut en usage jusqu’au XVe siècle ! » (DHLF p.101).

Le Caroil du Pin désigne donc un lieu où l’on tirait des carreaux à l’arbalète, soit pour s’entraîner, soit plus probablement comme position défensive avancée de la forteresse de l’Epine Gaudin.

5 - Le Rondeau vient de ronde « faire la ronde (début XVe siècle), c’est-à-dire une inspection faite, surtout la nuit, par des gardiens pour vérifier que l’ordre règne ». (DHLF p. 1830) et Rondeau est alors lié aux rondes de protection de l’Epine et de son port entre lesquels il se trouve.

6 - Le Bois-Garneau, voisin du Rondeau est le bois où prendre garde, « du francique warnjan : prendre garde à quelqu'un » qui donne "garnison" et "garnir", « munir d’éléments destinés à protéger, garder, renforcer (1080) » ( DHLF p. 872).

7 - La Plaise semble évoquer le plaisir, mais fait aussi songer à plaie car « le mot latin est identique au grec plêgê (dorien palga), dérivé de plêssein "frapper" (qui a donné plectre) représenté indirectement en français par l’élément dérivé - plégique (hémiplégique) » (DHLF p. 1536).

8 - Champ-Blond s’associe spontanément au champ de blé. Il est pourtant curieux qu’une boire s’appelle "champ".

« Champ, nom masculin, d’abord camp (1080) à coté de champ (1080) est issu du latin campus (→ camp, campagne) mot probablement autochtone (d’une ancienne langue d’Italie ?) désignant originellement la plaine, par opposition à mons, la montagne. Cédant ce sens géographique au mot plana (→ plaine) il s’est spécialisé au sens de "plaine cultivée", "terrain d’opérations militaires", "domaine d’action" (au propre et au figuré) et "campagne"…Le mot est passé en français pour désigner une étendue de terrain propre à la culture et une étendue propre au combat, seul, puis dans la syntagme déterminé "champ de la bataille" (avant 1283) contracté en champ de bataille (XIVe siècle) » (DHLF p. 385).

Blond peut désigner la couleur "rougeâtre" du sang d’assaillants criblés de flèches en franchissant, ou simplement en longeant cette sorte de douve naturelle de la forteresse de l’Epine derrière laquelle, à l’abri, on pouvait disposer une ligne d’archers. « Kluge - un linguiste - le rapproche hypothétiquement de l’ancien indien bradhna rougeâtre » (DHLF p.234). Plus simplement, même beaucoup de sang dilué dans l’eau d’une boire, ne parvient guère à la colorer et plutôt que "rougeâtre" cette eau demeure pâle et blonde. Même si le lien de tel ou tel des mots précédents à la forteresse peut se discuter, nous avons bien la preuve qu’elle a fortement marqué la toponymie : la forteresse est encore debout dans les noms soi-disant familiers.

 

B - Le Guineau et ses abords : le chemin menant à Pierre-Percée.

1 - Le Guineau, village de bas de coteau dans la même position topographique que l’Epine et que le bourg de Mauves, est sur la route du bourg de la Chapelle Basse-Mer à la Pierre-Percée.

Guineau semble venir de guigner « faire de l’œil à quelque un (V. 1175)  et est associé plus tard (1609) à l’idée de mauvaise chance » (DHLF p. 931). Aujourd’hui, avoir la guigne c’est, si l’on peut dire, avaler une cerise aigre. On retrouve l’idée de  « mauvaise voie » (Mauves) et de « difficulté » (Epine) associé ici à l’eau « aboutissement sous la forme egua (Xe s., Alexis) puis ewe (1080, Roland) » (DHLF p. 641). Ainsi Saint-Simon, autrefois nommé Port-de-Mauves, avant qu’on y dédie une chapelle à ce saint, au centre du triangle dont les pointes sont Mauves l’Epine et le Guineau, était bien nommé. Peut-être même était-il nommé Port-Mauves avant qu’on ne comprenne plus ce sens pourtant assourdissant et, même en poussant cette logique, Mal-Port présent dans la notion être à mal port (1165) (DHLF p.1583), en latin Portus-Malus, sur le modèle de Portus Namnètus : le port de Nantes.

2 - Le Baguenaud, plutôt qu’un lieu où on se promène en flânant et en perdant son temps, signifie le Bas-Guineau comme on a le Bas-Chardonneau par rapport au Chardonneau « Bas, basse, adjectif, nom masculin et adverbe est issu (v. 1119) du latin bassus » (DHLF p. 187). L’ensemble de ces villages est aligné sur le chemin de Pierre-Percée.

Si le Baguenaud est séparé du Guineau par le Chardonneau, le Bas-Chardonneau et la Croix du Chardonneau, c’est que ces trois derniers villages sont plus récents que les deux premiers et que leur interposition a fait perdre la relation de sens du Guineau au Baguenaud dont l’écriture s’est transformée. On peut tirer de tout ceci l’ordre d’apparition des villages : le Guineau en bas du coteau a été suivi du Baguenaud, puis du Chardonneau, lui-même suivi des villages aux noms dérivés : le Bas-Chardonneau et la Croix-du-Chardonneau, sans qu’on puisse préciser ainsi l’ordre d’apparition des deux derniers. On voit que les plus anciens villages dans la vallée sont ceux du bourrelet alluvial.

3- Le Chardonneau semble venir du chardon qui provient lui-même de cardu (1086) et du bas-latin cardo, forme altérée du latin carduus. « Par analogie, il a donné son nom à la pointe en fer destinée à empêcher d’escalader un mur, une grille (XVIe s.) » (DHLF p. 391). Il  a pu y avoir là un poste de garde ou un élément fortifié, près de l’eau ou dans l’eau (chardon-eau).

 

4 - La Copsonnière en Saint-Julien de Concelles peut se rapporter au feu des combats et vient de coup « aboutissement (1268) de colp (V.881), cop et col et issu du bas-latin colpus » (DHLF, p. 512). L’autre radical du mot est son, sonner « réfection (XIIIe siècle, de soner V. 980), suner (1080), issu du latin sonare » (DHLF p.???).

Si sonner les coups est l’action de la cloche ou du marteau de forge, un coup appliqué à un homme peut le sonner « C’est aussi par analogie que sonner, par le sémantisme du coup, que permet la référence à la cloche, signifie familièrement » assommer, étourdir en heurtant la tête contre quelque chose de dur (1486), emploi répandu à la fin du XIXe siècle, d’où (1931) être sonné… » (DHLF p. 1974).

 

III - Saint-Simon abordé par l’est (ou par la terre)

 

Ici, nous étudierons les noms de lieux liés à la formation de la vallée par dépôt fluvial et permettant d’utiliser alors la terre ainsi formée et de l‘exploiter de différentes façons.

1 - La Haute-Vallée « le dérivé Vallée, nom féminin, est la réfection graphique (V. 1315) de Valée (1080, encore au XIVe siècle), de même ????? » (DHLF p. 2210) et « Haut, haute, adjectif, nom masculin et adverbe est issu (V. 1050) du latin altus » (DHLF p. 948), dit clairement que la vallée est plus haute à l’est qu’à l’ouest, d’une part parce que les alluvions arrivent de l’est grâce à la Loire, mais surtout parce que l’ouest du val, les marais du Chêne, de Goulaine et les pays de l’estuaire sont marqués par des failles qui ont provoqué des bassins d’effondrement.

2 - Les Hauts-Tertres a le même sens d’ensemble. Un « tertre désigne une petite éminence isolée ». Il « est issu (1080) d’un latin populaire « termitem », accusatif de « termes », monticule…» (DHLF p. 2109).

Les tertres sont des dépôts alluviaux formés par la Loire au milieu de son lit et qui acquièrent la forme allongée d’un bourrelet de rive en se soudant les uns aux autres.

3 - Les Fosses désignent les mouilles profondes que creuse la Loire dans ses alluvions face à un bord ferme comme une butte ou un tertre. On trouve ce mot à Nantes où la Fosse est juste en amont de la butte rocheuse Sainte-Anne. « Fosse, nom féminin, vient (1080) du latin classique fossa « excavation, trou » et « tombeau » en latin chrétien, participe passé féminin substantivé de fodere « creuser » (fouir) » (DHLF p. 818).

4 - Port-Morond signifie le port du tertre « le radical préroman murr - « tertre, éminence »… est représenté par le toscan mara « tas de pierre », le catalan morro « tertre » et l’espagnol morÓn, de même sens. En français, on a le mot moraine, terme de géographie physique désignant « un amas de blocs et de débris rocheux entraînés par le glissement d’un glacier » (DHLF p. 1271).

 

5 - La Morandière, en Saint-Julien-de-Concelles, à l’ouest de Saint-Simon, a la même racine et comporte le radical - andière - proche de - andain - « représenté au IXe siècle par la latin médiéval andainus (844) signifiant enjambée, pas » comme le mot italien andante (DHLF p. 72). Le sens de Morandière est donc : tas de pierre où on peut faire des pas, tertre propre à la marche et désigne le bourrelet de rive utilisé comme chemin de rive.

 

6 - Le Bois-Garnaud, déjà évoqué, « se réfère à l’époque où la vallée et le coteau étaient plantés d’arbres avant les défrichements réalisés avant 1050 » (R Secher, Anatomie…, p. 85).

 

7 - Le Bois-Viaud s’y réfère aussi. Viaud semble venir de via, la voie, le chemin. Deux voies devaient s’y couper : le chemin menant de la Croix-du-Chardonneau à la Pinsonnière et le prolongement vers l’ouest de la boire des Clos.

 

8 - La Boire des Clos. « Clore, verbe transitif, est issu (av. 1150) du latin claudere « fermer », mot appartenant à la famille de clavis « clef » (clef) et clavus « cheville » (clou)… De bonne heure, le masculin clos a été substantité (v. 1150) probablement d’après le latin médiéval clausum (721), participe passé neutre substantivé de claudere pour désigner un terrain cultivé clos de haies… Closier, ière, nom (1225-1230), « gardien d’un clos » peut être tiré de clos d’après le latin médiéval closarius attesté dans les pays de Loire au sens de « métayer » (fin XIe - début XIIe siècle), tout comme le diminutif closeau, nom masculin (1309) d’abord closel formé à l’image du latin médiéval clausellus (864) « petit clos » » (DHLF p. 436).

Il est intéressant d’apercevoir ici des métayers.

 

9 - Le Pré-Colès. « Cole, élément de suffixation est emprunté au latin - cola -, lui-même issu avec les différents sens du verbe colere qui signifie, dès les plus anciens textes, « habiter » et « cultiver », les deux notions étant connexes pour la population rurale qui dominait dans la Rome archaïque » (DHLF p. 445). Ce suffixe se rencontre dans bucolique, agricole, horticole, arboricole, viticole et apicole.

Colès désigne donc un lieu habité et cultivé et l’usage du latin semble le désigner comme occupé dès l’époque romaine ou gallo-romaine. S’il a été ainsi dénommé plus tardivement, ce doit être par des clercs, seuls dépositaires du latin après les Grandes Invasions.

« Pré, nom masculin, est issu par la forme pred (1080) puis pré (v. 1135) du latin pratum « terrain herbeux », mot ancien panroman et celtique, d’étymologie non élucidée ». Ce sens de pré paraît élémentaire, mais on risque d’oublier celui qui suit. « L’élément pré (tiré du latin prae), adverbe, préposition et suffixe signifiant « en avant , devant » dans l’espace et dans le temps, donnerait pour Pré-Colès le sens d’espace devant l’endroit habité et cultivé, ce qui n’a guère de sens voire même relève de la contradiction puisque l’endroit élevé a toute chance d’avoir été parmi les premiers habités. Il reste donc : espace vierge qui existait avant toute habitation et toute culture, sens évidemment bien séduisant qui renverrait au moment même où l’homme s’empare du bourrelet de rive pour l’occuper et le cultiver.

 

IV - Saint-Simon abordé par l’ouest (ou par l’eau) :        Pierre-Percée.

 

1 - Le Chaussin-Riou, en Saint-Julien-de-Concelles,désigne un rio, terme qui s’emploie parfois en val de Loire pour désigner un ru, un petit ruisseau, un bras de Loire, un étier, une boire ou une rigole artificielle ou retravaillée. (R.Dion : Histoire des Levées de Loire) parle d’un rio fainéant ».

« Chaussée, nom féminin, d’abord chauclée (v. 1155), chaucie (1309) est issu du latin vulgaire *calciata (946) ellipse… de *calciata via. Calciata pourrait dériver de calx « chaux », les Romains ayant utilisé le mortier de chaux pour certaines substructions de routes, notamment en terrain marécageux. » (DHLF p. 399). « Le mot désigne aussi (1309) une levée de terre retenant l’eau d’un cours d’eau et pouvant servir de chemin de passage » (DHLF p. 399).

On peut comprendre que Chaussin-Riou désigne un lieu où passe un filet d’eau particulier, un bras de Loire ou plus probablement un étier y versant, roche d’une chaussée. Cette chaussée est soit le chemin de rive et ce sens est banal et n’a aucune raison d’être utilisé ici plus qu’ailleurs, soit, avec un sens beaucoup plus net, il désigne la fameuse chaussée de pierres d’origine romaine maintenue par des pieux de bois fichés dans le lit du fleuve dont parle Léon Maître (voir I.6.) distante seulement de quelques centaines de mètres. Le lieu entre le riou et la fameuse chaussée serait alors le sens indiqué.

 

2 - Pierre-Percée. « Percer, verbe issu (1080) d’un latin populaire pertuisare, « faire un trou, perforer »… Percer exprime d’abord l’action de traverser l’épaisseur d’une chose en faisant un trou… percer exprime aussi l’idée de passer au travers d’un milieu intermédiaire » ( DHLF p. 1474).

« Perré, nom masculin (v. 180) qui a conservé le vocalisme de l’ancienne forme perre (1080) a servi d’adjectif pour qualifier ce qui est en pierre, puis a servi a désigner un gué pavé (1553) » (DHLF p. 1516).

Le sens de Pierre-Percée est donc : « gué pavé qui traverse le fleuve ». Remarquons que Guette-Loup était sans doute le gué naturel qui consistait à marcher sur le lit du fleuve peut-être guidé par des perches enfoncées verticalement. Le passage est alors possible, selon le niveau d’eau, pour un homme, un âne, un cheval, mais le Val Manteau étant trop étroit pour être carrossable, Guette-Loup n’a jamais pu être un gué charretier. On trouvait ce dernier de Pierre-Percée à Mauves prolongé par le Chemin Pavé, certes fort raide, mais au moins carrossable. Il résulte de tout ceci que Saint-Simon n’a pu être joint directement depuis les coteaux que par voie d’eau pendant un long temps.

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